Annales des Mines (1847, série 4, volume 11) [Image 337]

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NOTICE NÉCROLOGIQUE 670 tait alors, soit de gré, soit de force, une si grande portion de la noblesse, l'émigration, cette conséquence si malheureuse de nos troubles civils , enleva aussi M. d'Aubuisson au sol de son pays et l'enrôla dans la petite armée d'officiers réunis sous les ordres du prince de Condé. Il était bien jeune

encore, et il ne peut entrer d'ailleurs dans notre plan de discuter ni de retracer même la part qu'il peut avoir prise dans les faits de cette grande époque, qu'il appartiendra à l'histoire seule d'apprécier, lorsque, dominant avec l'aide du temps les passions et les souvenirs encore trop vifs aujourd'hui, elle pèsera chacun à la mesure que lui avaient faite et son éducation , et ses tendances sociales, et sa religion politique. Ce qu'on peut affirmer, du moins, c'est que le mobile de M. d'Au-

buisson à cette époque de sa vie, qui a eu pour lui une influence si décisive, était une vertu dont le principe est toujours noble, en quelque circonstance qu'elle s'exerce : le dévouement. Pour nous , nous ne voulons ici dire autre chose, si ce n'est comment cet exil de l'émigration fut, pour ainsi parler, le berceau scientifique de M. d'Aubuisson ; que c'est là qu'il puisa le premier goût et fit les premières applications des études qui ont

fait ensuite l'occupation de toute sa vie et l'ont amené à devenir un des membres les plus distingués du corps des mines, et l'un des savants qui ont le mieux contribué à répandre en France le goût et les principes de la géologie, l'étude raisonnée des lois et des applications de l'hydraulique. Quelques années, en effet, après que M. d'Aubuisson eut quitté la France, la marche des événements et le licenciement de l'armée à laquelle il

SUR M. D'AUBUISSON.

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appartenait le laissèrent sur la terre étrangère libre d'engagements politiques , mais isolé , sans

appui et presque dénué de ressources. Pauvre comme l'étaient alors ses compagnons d'exil , il dut songer à se faire une existence, en mettant à profit les souvenirs d'une éducation distinguée. Mais il ne suffisait pas à un esprit comme celui de M. d'Aubuisson d'employer ses fiicultés à assurer le bien-être du moment, il fallait les exercer encore au profit de sa propre intelligence et du perfectionnement de son savoir. Homme de sens et de jugement par-dessus tout , il sentit qu'il fidlait compter avec le temps et travailler dans un but d'avenir, si incertain qu'il fût pour lui. Il .ne pouvait oublier la France qui l'avait vu naître ; il ne pouvait croire que le retour dans sa patrie lui fût pour toujours fermé. Il songea donc surtout à puiser en Allemagne ce qui était propre à cette contrée, à s'enrichir des connaissances qui y étaient le plus spéciales, pour en rapporter ensuite le tribut à son pays.

L'Allemagne, pays de ruines, est un des berceaux de la minéralogie et de toutes les sciences qui se rattachent à la connaissance et à l'exploita-

tion du sol. L'étude de la minéralogie et de la géologie, déja portée assez haut en France, car notre pays avait produit à cette époque Romé de Lisle, Buffon , Saussure, Flaiis, Vauquelin, Dolomieu ; cette étude ,disons-nous, brillait alors en Allemagne d'un éclat particulier : Werner, professait à Freiberg.

Attiré par la renommée du maître célèbre, ce fut à Freiberg que M. d'Aubuisson se rendit; c'est dans cette ville classique qu'il alla fixer pendant plusieurs années son laborieux séjour ( de