Annales des Mines (1846, série 4, volume 10) [Image 392]

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786 jURISPRUDENCE six générateurs, bien plus vastes , faisant mouvoir une machine d'une puissance égale à 180 chevaux, consommant une centaine de tonnes de charbon par jour ; que, réunissant ainsi sur un seul point le travail de plusieurs raffineries, il a établi sa fabrication sur des proportions vraiment colossales, obtenu des produits journaliers immenses;

Attendu que cette combinaison, qui est vraiment remarquable sous le rapport de l'art, de l'industrie et du génie commercial, constitue néanmoins, au point de vue du droit et de la protection due à la propriété, un fait excessif, exorbitant, abusif, d'où résulte un dommage qui doit être réparé; Attendu que c'est en vain que le marquis de ForbinSanson invoque l'article 54-1. du Code civil, qui confère au propriétaire le droit de jouir et de disposer de sa chose de la manière la plus absolue , puisque le même article lui interdit d'en faire un usage prohibé par les lois et les règlements ;

Attendu que l'abus d'une chose est prohibé par les lois et les règlements

Que vainement encore, le sieur de Forbin -Janson cherche-t-il à se couvrir de l'autorisation ,qui lui a été accordée par l'autorité administrative Attendu que cette autorisation est toujours censée accordée sous la réserve des droits des tiers qui peuvent avoir à souffrir de l'établissement autorisé ; Que ce principe est implicitement écrit dans l'article 11 du décret du 15 octobre 1810 sur les ateliers insalubres ou incommodes;

Qu'il est consacré par une jurisprudence constante; Que le tribunal de Marseille et la cour royale d'Aix en ont fait fréquemment l'application dans les affaires entre les fabricants de soude et les propriétaires voisins

Attendu d'ailleurs qu'il apparaît au tribunal que le sieur de Forbin -Jansnri n'est pas dans l'impossibilité, sinon d'absorber completement, du moins d'atténuer considérablement l'effet des vapeurs qui s'exhalent de sa fa-

brique, soit en exhaussant ses cheminées, soit en usant de quelques appareils fumivores qu'il s'était promis d'em-

DES MINES.

787 ployer et que la science peut rechercher et découvrir ; Attendu qu'en l'état de toutes ces circonstances, on doit reconnaître que le défendeur, à l'aide de moyens sinon complétement préservatifs, du moins lénitifs, peut atténuer le dommage dont se plaint le demandeur

Qu'il y a donc quelque faute de sa part et obligation

d'indemniser le plaignant Attendu toutefois que cette indemnité doit être réglée sur des bases justes et raisonnables Qu'il n'y a pas lieu d'accorder au sieur Roustan une indemnité pour dépréciation foncière de ses immeubles, puisqu'il est vrai de dire que les terrains situés à l'entour de la fabrique du sieur de Forbin-Janson n'ont pas dimi-

nué de valeur, et qu'au contraire l'établissement de la gare du chemin de fer dans ce quartier doit contribuer à augmenter le prix de ces terrains ; Attendu d'ailleurs qu'il serait d'autant moins juste de

lui accorder définitivement une somme quelconque pour cette prétendue dépréciation , qu'il peut survenir telle circonstance ou l'éruption de tel moyen qui fit cesser en

tout ou en partie la cause de dépréciation dont on se plaint ;

Que le dommage actuel est le seul dont la réparation peut être justement réclamée et obtenue; Attendu que ce dommage consiste principalement dans le délinit de location ou dans une location inférieure à sa véritable valeur ;' Qu'il est très-probable que si le sieur Roustan, au lieu d'exiger un loyer qu'il obtiendrait sans le voisinage de la fabrique, veut en baisser le prix, il trouvera des locataires qui, à raison de la ininimité du loyer, consentiront à supporter l'inconvénient du voisinage ; Qu'il suffit donc de lui tenir compte de la différence présumée.;

Attendu que celte différence sur le loyer de chaque maison peut s'évaluer équitablement à trois cents francs; Attendu crie telle est la somme qui a paru juste et raisonnable au tribunal, et que le marquis de Forbin-Janson

devra payer annuellement à titre d'indemnité au sieur Roustan pour chacune de ses maisons, tant que subsistera