Annales des Mines (1846, série 4, volume 10) [Image 391]

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JURISPRUDENCE

quelque sorte, revenir, sous une autre forme, contre les décisions qui ont mis à la charge de la compagnie du chemin de fer le payement des indemnités résultant des évictions éprouvées par ces concessionnaires?

La question est du reste, comme on vient de le voir, déférée aujourd'hui à la cour suprême. Nous aurons à y revenir, en rendant compte de l'arrêt qui sera rendu. USINES. -DOMMAGES CAUSÉS PAR LA FUMÉE.- QTJESTION D'INDEMNITÉ.

Le jugement et l'arrêt suivants, qui se rapportent à des questions fort controversées, font suffisamment con-

les faits de la cause dans laquelle ils sont internaître les venus. M. Roustan fils, propriétaire à Marseille , réclamait de M. le marquis de Forbin-Janson des indemnités à raison des dommages que la raffinerie de ce dernier lui 'faisait éprouver. Le tribunal de Marseille avait accueilli ces réclamations par un jugement du '28 août 1846, que la Cour royale d'Aix , par un arrêté du 8 décembre, a infirmé. Jugement du 28 août 1846

Attendu que le sieur Roustan, propriétaire de plu-

sieurs maisons situées en cette ville, dans le voisinage de la raffinerie de sucre du marquis de Forbin-Janson , soutient que les odeurs et fumées qui s'exhalent continuellement de cette fabrique, le bruit incessant produit par le fonctionnement de ses machines , et le danger imminent d'incendie , dont la proximité d'un foyer ardent menace ses propriétés, leur portent le plus grand préjudice, nuisent à la location de ses maisons, et font déguerpir les locataires actuels; Attendu qu'il réclame, à raison de ce, une indemnité réparatrice du dommage qu'il prétend éprouver ; Qu'il s'agit donc d'examiner si cette prétention est recevable et fondée, et si elle doit être accueillie

Attendu en droit qu'aux termes de l'article 1382 du code civil, tout fait de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer; Attendu que pour donner lieu en pareil cas à une ad-

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indication de dommages et intérêts, il faut d'abord que le préjudice dont on se plaint soit réel, sérieux, et présente un caractère de gravité tel qu'il excède évidemment la somme de tolérance que, dans une ville commerçante et industrielle, les lois du voisinage imposent aux propriétaires à l'égard des ateliers et établissements d'industrie il faut en outre qu'il y ait faute quelconque de la part du défendeur; Attendu que si les odeurs nauséabondes qui s'exhalent d'une raffinerie de sucre, le bruit que peut occasionner le fonctionnement de ses machines , la crainte de l'incendie

que ses fourneaux peuvent produire, crainte conjurée

par la surveillance de la police et des chefs de l'établissement , ne doivent pas être considérées dans l'espèce comme des causes suffisantes d'un dommage appréciable;

S'il n'y faut voir que des inconvénients inhérents au voisinage de presque tous les établissements de ce genre ; si c'est là une des conditions attachées à l'habitation des cités commerciales et industrielles , conditions auxquelles l'habitant est nécessairement soumis , il n'en est pas de même des fumées, alors qu'elles atteignent un degré d'intensité qui affecte profondément l'habitation, dégrade le

mobilier, chasse le locataire ou l'oblige à se renfermer pour se préserver de l'action des vapeurs, suivant le temps et la direction du vent ; Attendu que, dans sa descente sur les lieux, le tribunal s'est convaincu que telle était la situation des maisons du

sieur Roustan ; Que cet état de choses constitue à l'encontre du sieur Roustan un véritable dommage ; Attendu qu'à l'époque où le sieur Roustan a fait construire ses maisons, la fabrique du sieur de Forbin-Janson, alors possédée par le sieur Lafont , était réduite à

des proportions plus restreintes , ne fonctionnait qu'a l'aide de deux chaudières et quatre générateurs de petite dimension, dont un constamment au repos, tandis qu'en 1843, plusieurs années après la construction des maisons du sieur Roustan le sieur de Forbin-Janson, acquéreur de cette fabrique, a donné une extension trèsconsidérable, a ajouté aux deux chaudières anciennnes , six nouvelles chaudières beaucoup plus grandes, avec