Annales des Mines (1895, série 9, volume 4, partie administrative) [Image 220]

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LOIS, DÉCRETS ET ARRÊTÉS

la possession de ces terrains; avec l'état économique du pays il est nécessaire de donner aux indigènes des garanties spéciales dans dos transactions dont ils ne peuvent pas toujours comprendre suffisamment la portée et les conséquences. Il convient, d'ailleurs, pour leur plus grand avantage, que l'exploitation dans ces terrains se lie avec l'extraction dans les communaux de douars qui leur sont toujours mêlés. D'où suit que les agents de l'État doivent prendre en mains l'administration de l'exploitation des phosphates dans les terrains indigènes, mais pour le compte des intéressés, et ici, à raison de la nature spéciale des intérêts en jeu, l'État laissera à ces intéressés la totalité des redevances dues par l'amodiataire pour l'exploitation faite sous les terrains en question. Mais l'indigène, qui a aujourd'hui la propriété (terrain melk), voire même une simple jouissance (terrain arch), au titre musulman, peut, dans les conditions admises par les lois et la jurisprudence, aliéner ses droits à un Européen, lequel pourra ainsi en faire passer la propriété sous la loi française. Deux solutions pouvaient être acceptées pour la protection en ce cas des intérêts des indigènes. Dans un premier système on aurait pu admettre que, sous les terrains relevant actuellement du droit musulman, c'était à tout jamais que leurs propriétaires successifs, même au titre français, perdaient la faculté de consentir une amodiation, voire même de désigner un amodiataire pour l'exploitation des phosphates sous leurs terrains; ce droit se trouvait et restait définitivement dévolu à l'administration; le propriétaire n'aurait plus conservé que le droit aux redevances que pouvait produire l'exploitation sous lesdits terrains. Les conséquences de ce système ont paru à la commission tenir trop peu de compte de la notion de la propriété en droit français; elle lui a préféré le système indiqué par l'article H, paragraphe 3, qui lui a paru faire plus équitablement la part de toutes les circonstances ; ce ne sera que pendant la durée de son amodiation que le droit originairement conféré à l'amodiataire prévaudra contre l'acquéreur au titre français. Celui-ci, en d'autres termes, sera réputé avoir traité pour l'extraction avec l'amodiataire, comme son auteur est réputé l'avoir fait à l'origine par l'intermédiaire de l'administration. La commission aurait pu, par des considérations analogues, donner à l'amodiataire, pour l'occupation de la surface, comme par l'article 10, paragraphe 4, des droits aussi étendus que pour l'extraction; le respect dont la commission a cru devoir entourer le principe de la propriété acquise au titre français l'en a écartée. Aussi bien l'occupation de surface par les formes de l'article 10, paragraphe 4, est spécialement opportune en face des collectivités ou indivisions indigènes; pour les propriétés privées du droit français, l'exercice des servitudes de l'article 12 suffira généralement. Le projet de décret ne s'est pas occupé explicitement du mode de répartition des redevances entre les divers intéressés; ce soin incombera à l'un de ces règlements d'application a rendre dans les formes prévues à l'article 15. Il reste un dernier point à signaler pour expliquer toute l'économie de l'article 11. Si l'on veut que les mesures prises en faveur des indigènes puissent sortir effet utile, il faut empêcher il temps les transactions qui pourraient être

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tentées contre leurs intérêts, en ne frappant toutefois qu'une indisponibilité relative, et en ce qui concerne seulement les phosphates, que le moins de terrains possibles et pendant le moindre temps. La commission n'a donc pas cru devoir étendre partout dès la promulgation du décret l'ensemble de ces dispositions; elles ne le seront que dans les quelques douars qui seront à ce désignés et pour lesquels, s'il y a lieu, la mesure pourra être ultérieurement rapportée. Cette désignation correspond en quelque sorte à cette proclamation de périmètres devenue classique dans tant de pays de mines, dont on trouve des exemples dans quelques-unes de nos colonies, proclamation qui a pour effet de restreindre, dans ces périmètres, suivant des modalités variées, les droits habituels des propriétaires de surface. Pour compléter l'ensemble des mesures qui constituent l'article 11, il convenait de prévoir une disposition analogue pour les territoires non encore sénatus-consultés ; c'est ce que fait le paragraphe 2 de l'article 13. Nous venons de passer en revue les dispositions concernant respectivement chacune des catégories de terrains qui peuvent être distingués en Algérie. La commission se plaît à espérer que ces stipulations rempliront le triple but qu'elle avait en vue : servir l'intérêt public en permettant l'établissement d'entreprises appelées à vivre dans les conditions les plus faciles, et cela en respectant le plus possible tant les droits de la propriété qu'ont ou que pourront acquérir des Européens que les droits des indigènes, et en s'efforçant enfin de retirer au profit de l'État ou des collectivités administratives tout ce qu'on peut raisonnablement demander à de pareilles entreprises, dans l'hypothèse même qu'elles seront très prospères. Toutefois la commission a pensé que ce dessein ne serait pas complètement rempli sans les deux dispositions formant les articles 12 et 14, qui s'appliqueront a toutes les exploitations de phosphates, a celles que pourraient poursuivre des particuliers sur leurs propriétés privées de droit français comme à celles établies sous les terrains du droit administratif et du droit musulman, dont s'occupent les titres I à Ht du projet de décret; aux exploitations futures, comme à celles qui existeraient k la promulgation du décret. Il serait inutile de s'arrêter sur les servitudes de l'article 12; il suffit de rappeler que l'article a spécialement pour but de compléter la servitude de l'article 682 du Code civil, qui ne peut s'exercer qu'a l'extérieur, par une servitude analogue mais s'exerçant souterrainement. La question de la taxe dont traite l'article 14 a beaucoup plus d'importance. Afin d'en bien saisir la nature et la portée il est utile de rappeler quelques notions du commerce des phosphates et plus spécialement des phosphates algériens, pour autant qu'on puisse faire des pronostics dans un trafic toujours aussi incertain et aussi mouvementé que celui de ces substances. On sait que les phosphates naturels se vendent d'après leur teneur en phosphate tribasique, à l'état sec; on vend à un prix du degré ou de l'unité qui est fixé par les cours; mais ce prix de l'unité varie en sens inverse de la teneur. Ainsi — pour rester sensiblement dans les cours du jour — le prix de l'unité sera de 0',6S pour des phosphates à 63 p. 100, tandis qu'il ne sera que de O',o0 pour des phosphates à 50 p. 100, de sorte que la tonne des pre-