Annales des Mines (1895, série 9, volume 4, partie administrative) [Image 219]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

436

LOIS, DÉCRETS ET ARRÊTÉS

Les articles 1 à 7 du projet de décret règlent la recherche et l'exploitation des phosphates en terrains domaniaux. Ici aussi il ne s'agit que d'une application à un cas spécial des principes généralement admis pour la gestion de propriétés domaniales de cette nature. Les recherches, qui généralement resteront nécessaires avant toute exploitation pour éclairer sur les résultats à obtenir dans un district, seront faites, soit directement par l'administration et a ses frais, soit par les particuliers et alors, sous l'autorité directe du gouverneur général, dans les conditions de l'article 6. L'exploitation aura lieu en vertu d'amodiations consenties à la suite d'adjudications publiques, sauf dans les deux cas prévus aux articles 7 et 5, où il pourra être procédé à une amodiation de gré à gré : avec l'article 7, pour récompenser une invention qu'il faut toujours largement exciter dans les pays neufs; avec l'article 5, pour renouveler une amodiation dans des circonstances justifiant ce renouvellement. Dans tous les cas, le gouverneur général fixera la durée et l'étendue de l'amodiation ainsi que le minimum annuel d'extraction, le tout suivant les circonstances de chaque espèce; le principe devra être que l'amodiataire ait le temps, en exploitant convenablement et raisonnablement, d'amortir largement les dépenses de premier établissement qu'il sera obligé de faire et qui souvent lui auront été imposées par le cahier des charges. L'amodiataire devra payer par tonne une redevance qui résultera rationnellement de l'adjudication dans le cas habituel, et sera fixée par le gouverneur général dans les cas de l'article 7 (amodiation .d'inventeur) ou de l'article 5 (renouvellement de gré à gré en fin d'amodiation). Ce mode de redevance est a la fois le plus simple et le plus pratiqué dans toutes les exploitations de phosphates. On peut l'adopter dès qu'il s'agit non plus de mines avec leur perpétuité obligée, mais d'amodiations temporaires. Les dangers inhérents à toutes les amodiations de substances minérales et surtout à celles passées par l'adjudication sont palliés par trois dispositions : 1° le droit du gouverneur d'apprécier à l'avance les facultés des concurrents à admettre aux adjudications, et ce mot de l'article 3 doit être entendu non seulement de la simple capacité financière, mais de toutes les conditions dans lesquelles se présente chaque concurrent, le tout dans une interprétation analogue à celle qui a toujours été donnée h cette expression dans l'article 14 de la loi sur les mines du 21 avril 1810; 2° le droit du gouverneur général d'empêcher de sortir effet a une adjudication en refusant de l'approuver; 3° l'obligation d'un minimum d'extraction annuel à peine de résiliation. - Les terrains des départements et des communes dont s'occupent les articles 8 et 9 ne peuvent pas avoir une grande importance pratique dans la question, parce qu'ils n'ont pas de développement appréciable. Les exploitations de phosphates pourront y être faites pour le compte du département ou de la commune en se conformant aux principes du droit commun de la matière. On ne limite ici le droit de propriété que quant à la forme de son exercice et point quant au fond. Cette forme elle-même est calquée sur celle admise poulies phosphatières domaniales, sauf le droit do traiter de gré it gré en cas d'in-

SUR LES MINES, ETC.

437

vention; ce serait sans utilité pratique pour ces terrains. Le droit de tutelle a été donné directement au gouverneur général, pour satisfaire aux besoins d'unité de vue qui s'imposent en pareille matière à tous les organismes administratifs chargés de la représentation et de la gestion des intérêts collectifs. Une même idée conduit à une solution analogue pour les terrains communaux de douars dont traite l'article 10. Avec le douar et sa djemaa, nous n'avons plus les intérêts européens et la représentation européenne des organismes administratifs précédents ; nous n'avons plus que des intérêts indigènes et une représentation indigène. La pratique et la vérité des choses ne permettent pas a la haute administration française de se contenter ici d'un simple droit de tutelle; il faut pour les intérêts même des indigènes, qu'elle gère à leur place, mais pour eux. On respectera ainsi scrupuleusement le principe primordial de l'union de la carrière avec le sol, qui est le point de départ de toute cette réglementation, et l'administration sera fidèle à ce qui constitue étroitement son droit et son devoir : la protection efficace des intérêts des indigènes, surtout dans des matières qui sortent de leur pratique et échappent à leur compétence. Le projet de décret attribue a l'État la moitié des redevances que payera l'amodiataire pour exploiter dans les terrains communaux de douars ; ce n'est pas à seule fin de couvrir l'État de l'administration et de la surveillance des phosphatières communales qu'il assume, c'est plutôt pour lui permettre d'appliquer aux intérêts généraux, et notamment aux intérêts des indigènes, des ressources que l'État pourra dans ce but employer avec plus d'utilité que les douars ne pourraient le faire. Des considérations analogues aux précédentes ont conduit à la solution de l'article 11 pour les terrains relevant du droit musulman. On pouvait être tenté tout d'abord d'établir uue distinction entre les terrains arch et les terrains melk; on pouvait être porté à laisser ceux-ci sous le régime des terrains de propriété privée du droit français ; ceux-là auraient pu être au contraire assimilés à des communaux de douars, en supposant, avec le sénatus-consulte de 1863, que le douar en avait la nue propriété, le domaine éminent, tandis que les occupants actuels seraient réputés n'avoir que la jouissance de la surface dans le seul but de la cultiver. La commission a pensé que cette distinction pouvait peut-être mieux correspondre à la notion primitive des terrains arch ou melk, mais qu'elle aurait l'inconvénient d'être moins en harmonie avec la pratique et la jurisprudence résultant des lois des 26 juillet 1873 et 28 avril 1887, lesquelles — on doit le remarquer — n'ont plus même employé ces expressions. Au-dessus de toutes ces distinctions oit peut se complaire la subtilité des juristes et dont peuvent profiter, au détriment des indigènes, des gens d'affaires trop habiles, un grand principe doit dominer : c'est celui que nous invoquions en rappelant le droit et le devoir de haute protection qu'a l'administration française sur les intérêts des indigènes. Or, les conditions d'exploitation des phosphates dans tous les terrains relevant du droit musulman doivent être tenues comme intéressant au premier chef les indigènes ayant la propriété ou