Annales des Mines (1895, série 9, volume 4, partie administrative) [Image 218]

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LOIS, DÉCRETS ET ARRÊTÉS

phosphates qui s'y présentent en couches, dans la classe des mines au lieu de les laisser dans celle des carrières. La commission n'a pas cru devoir reprendre la discussion sur le fond mémo de la question. Elle a pensé qu'elle pouvait se borner à adhérer sur ce point, pour l'appliquer à l'espèce en discussion en Algérie, au projet du conseil général des mines soutenu par l'administration des travaux publics; et il suffira de rappeler ici les considérations invoquées par ce conseil et cette administration. Le classement du phosphate de chaux dans les carrières, et surtout du phosphate de chaux en couches comme celles de l'Algérie, découle du principe qui, dans aucun temps ni aucun pays, n'a permis de séparer delà propriété superficiaire les substances minérales du tréfonds ne constituant que de simples amendements pour la culture des terres. Or, avec les variations de rendement des niveaux 'phosphatés, comment distinguer, suivant les'lieux et les conditions commerciales du moment, le gîte qu'il pourrait être avantageux de laisser exploiter par un tiers, de l'amendement que l'on ne peut enlever au propriétaire de la surface ? Peut-on concevoir un exploitant de mine interdisant à un propriétaire d'utiliser une marne phosphatée bonne seulement à être employée sur place ? Quel besoin d'ailleurs de constituer en mines des gîtes qui, par leur allure, peuvent être exploités rationnellement, au point de vue technique, par de véritables travaux de carrières, c'est-à-dire chacun au droit soi en profondeur? Serait-ce pour une question de taxe ou de redevance spéciale dont on voudrait faire bénéficier l'État? La question est tout autre; c'est une question fiscale qui ne se rattache pas plus au droit des mines qu'au régime de la propriété. Pour bénéficier d'un pareil profit, il faudrait sortir, dans un cas, des impôts ordinaires des mines, comme, dans l'autre, de l'impôt normal des patentes. A quoi il faut ajouter, ainsi qu'on le verra par la suite de ce rapport, que la classification des phosphates de chaux dans les carrières est encore plus justifiée en Algérie que dans la métropole, parce ^qu'il sera plus facile d'y constituer, avec le régime qu'on exposera, des exploitations étendues, pouvant être conduites suivant toutes les règles de l'art, et partant avee cette économie dans la production que réclame avant tout, en matière de substances minérales, l'intérêt public bien entendu, ou ce qui revient au même, l'intérêt des consommateurs. Étant donc admis que les phosphates de chaux resteront des carrières en Algérie comme dans la métropole, c'est-à-dire, en principe, des dépendances de la propriété du sol, on en arrive aux questions qui découlent du régime légal du sol dans la colonie, d'après ses diverses conditions juridiques. On peut, à cet égard, distinguer les catégories suivantes : 1° Les terrains compris dans le patrimoine de particuliers qui les possèdent en vertu de titres français ou d'après la loi française; 2° Les' terrains domaniaux comprenant tant ceux du domaine public national que ceux du domaine privé de l'État; 3° Les terrains que les départements et les communes, sans distinction entre elles, — de plein exercice, mixtes ou indigènes, — administrent comme

SUR LES MINES,

ETC.

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domaine public, départemental ou communal, ou possèdent comme propriété privée au titre français et d'après la loi française; . 4° Les terrains communaux de douars, classés dans le domaine propre du douar, mais pour être affectés, comme les terrains de parcours, à la jouissance commune des indigènes du douar; 5" Les terrains relevant du droit musulman en comprenant sous cette appellation, sans distinction entre eux, ce qu'on distinguait autrefois en terrains melk et arch ; ce sont les terrains dont les indigènes ont ou peuvent avoir la propriété ou la jouissance ut singuli. Comment des carrières de phosphates pourront-elles être ouvertes et exploitées dans chacune de ces catégories, de façon à y former des entreprises viables, prospères et profitables à l'intérêt public? C'est la réponse faite par le projet de décret qu'il convient d'expliquer en le justifiant. Auparavant il ne sera pas inutile de rappeler la répartition vraisemblable des couches de phosphates entre ces diverses catégories de terrains, d'après les renseignements que l'on possède ; tout incertaines que ces données soient encore, surtout dans le détail, elles ne laissent pas d'être assez claires dans l'ensemble, à cause de la netteté de l'horizon géologique où se trouvent ces phosphates. La couche — qui ne sera, du reste, exploitable que dans des districts peut-être trop rares — ne paraît s'étendre géographiquement que dans les hautes régions Ou sud de la province de Constantine et de la partie orientale de la province d'Alger; à raison même de ses conditions géologiques, elle se présente principalement sous des plateaux rocheux, dénudés, peu aptes à la culture, constituant des terres vaines ou vagues dont la plus grande partie sera et restera dans la suite, par la nature même des choses, des terrains domaniaux ou des terrains communaux de douars. Si, dans certaines régions, on peut trouver des terrains arch au-dessus de la zone phosphatée, fes terrains melk paraissent devoir être beaucoup plus rares. Quant à des terrains de propriété privée au titre français, il ne paraît pas y en avoir. Celte situation de fait explique que l'administration ait pu depuis un an arrêter toute nouvelle recherche ou tentative d'exploitation en refusant simplement de faire sortir effet aux délibérations qu'auraient pu prendre les douars ou les communes. Elle est de nature à mieux établir l'importance pratique, au point de vue des intérêts généraux, du régime qui résultera du projet de décret, dans l'examen détaillé duquel nous allons maintenant entrer en nous occupant distinctement de chacune des catégories de terrains précités. Il n'y avait rien à dire de spécial dans le décret pour les terrains do propriété privée du droit français; ils continuent à être soumis au régime pur et simple des carrières de la métropole et du restant de l'Algérie, sous les deux différences qui résultent des articles 12 et 14 du projet de décret. Les propriétaires de ces fonds pourront réclamer et devront supporter les servitudes prévues au premier de ces articles; les phosphates extraits de ces fonds auront à payer la taxe du second. On se bornera pour le moment à celte double mention ; on aura à revenir plus tard tant sur ces servitudes que sur cette taxe.