Annales des Mines (1870, série 6, volume 9, partie administrative) [Image 108]

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ENQUÊTE OFFICIELLE SUR LA CONDITION DES OUVRIERS

une alleinte à la liberté individuelle ainsi qu'à la liberté du travail. Ils voudraient voir arriver celle suppression petit à petit, par le fait même des exploitants, qui en reconnaîtraient les avantages et l'utilité (*). » Les plus grandes exploitations, Arsimont (dans la province de Namur),Bonnefin, Maryhaie (dans celle de Liège), donnent l'exemple d'exclure les femmes des travaux souterrains; Cockerill, plus considérable que les précédentes, n'en emploie relativement qu'un petit nombre, environ U p. 100; Seraing, qui vient immédiatement après elles, en conserve encore davantage, i5 p. 100. Dans le Hainaut même, où le mal est plus grave et la réforme plus difficile, Strépy, Bois-du-Luc, la Lonvière, exploitations importantes, leur interdisent l'entrée des fosses. C'est là le but vers lequel il faut tendre. L'ingénieur en chef de Mons, M. Jochams, propose à cet égard un projet de règlement qui recule successivement la limite d'âge inférieur donnant accès dans l'intérieur des mines : en 1870, jusqu'à douze ans pour les deux sexes; en 1875, jusqu'à quatorze ans pour les garçons et seize pour les filles ; en 1880, jusqu'à la majorité des femmes. Cette mesure transitoire résoudrait, sans brusque perturbation, d'une manière conforme à tous les intérêts légitimes et sans excéder les droits de l'État, la délicate question du travail des femmes et des enfants. La première est sans intérêt pratique en France, où les femmes ne sont guère employées aux travaux du fond; mais la seconde est encore l'objet de graves débats.

VI.

TRAVAIL DES ENFANTS.

En jetant les yeux sur le tableau de la page 195, on voit qu'en Belgique le nombre des enfants au-dessous de quatorze ans atteint environ le dixième du nombre total des ouvriers, soit à la surface, soit au fond. Cette proportion est un peu dépassée dans la province de Hainaut, la plus riche en charbonnages; à la surface, il travaille autant de filles que de garçons; au fond la proportion est un peu moindre ; il y a deux cinquièmes de filles et trois cinquièmes de garçons. L'exclusion complète des enfants des travaux de mines rencontre, même dans l'industrie, des partisans.. Un grand nombre de houillères d'importance médiocre, occupant de vingt à cent (*) Bapport de l'ingénieur principal de Cbarleroi.

DANS LES MINES ET USINES DE BELGIQUE.

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cinquante ouvriers, n'en reçoivent pas avant l'âge de quatorze ans. Mais ces exploitations sont presque toutes situées hors du Hainaut, qui est le véritable centre des charbonnages ; deux seulement se trouvent dans celte province. Loin que les houillères importantes tendent à se priver du travail des enfants, elles ne leur interdisent même pas l'accès de travaux intérieurs. C'est seulement dans la province de Liège qu'une grande exploitation, celle de Maryhaie, occupant près de 2,000 ouvriers, donne l'exemple contraire, et cet exemple n'est suivi que par deux exploitations moindres, de l'importance de celles qui comptent entre 200 et 5oo ouvriers, — Sarts-au-Berleur, près de Liège, et Oignies-Aisea u, dans le Hainaut. La situation des enfants est meilleure dans les exploitations des mines métalliques qui ne font guère appel à leur travail que pour la préparation mécanique des minerais, comme celle des calamines de la Nouvelle-Montagne. Sur un total de Zi,5oo ouvriers de toutes sortes environ employés à l'extraction des métaux en Belgique, 7 seulement sont admis au-dessous de quatorze ans dans les travaux souterrains; sur ces sept enfants, deux seulement appartiennent à la grande exploitation du Bleyberg, qui compte environ 65o ouvriers. Il faut excepter de cette règle, à peu près absolue, les exploitations libres de minerai de fer qui forment une catégorie spéciale. Quelques-unes occupent les enfants mâles en assez grand nombre, même à l'intérieur des excavations; l'association de Fraire (Namur) fait descendre 18 enfants de moins de quatorze ans dans ses travaux, sur un personnel total de 233 ouvriers. Quant aux jeunes gens de quatorze à seize ans, la réserve est moindre encore, bien que des exploitations importantes trouvent moyen de s'en passer, du moins au fond de la mine. Telle est la situation. Qu'en pensent les hommes de l'art ? Nous avons à cet égard la satisfaction de les trouver beaucoup plus afBrmatifs sur le droit de réglementation exercé par l'État qu'au sujet du travail, des femmes : « La femme d'un certain âge est maîtresse de ses actions, l'enfant ne l'est pas. Ce qu'il faut éviter, c'est l'exploitation de l'enfant par ses parents : sa santé, son avenir l'exigent. » En second lieu, nous les trouvons unanimes sur la limite d'âge inférieure pour l'admission dans les mines qu'il conviendrait de porter de dix à douze ans, en modifiant l'article 29 du décret du 3 janvier i8i3 :