Annales des Mines (1870, série 6, volume 9, partie administrative) [Image 107]

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ENQUÊTE OFFICIELLE SUR LA CONDITION DES OUVRIERS

DANS LES MINES ET USINES DE BELGIQUE.

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Luxembourg est écarté parce qu'il se trouve dans des conditions

leroj _ le mineur se marie jeune, parce que c'est alors qu'il gagne le plus et qu'il est le mieux à même d'élever une famille. Il tient beaucoup aussi à avoir des enfants, qu'il considère comme une ressourco pour plus tard. De là, cette idée assez répandue de ne se marier que quand cet espoir promet de se réaliser. C'est sans doute un préjugé immoral, mais qui est tempéré plus on moins par le déshonneur attaché à l'action de celui qui abandonne une femme qu'il

exceptionnelles. On enregistre, clans les premières, Zi5 mort-nés

a rendue mère. »

tionaux, c'est la comparaison des statistiques dressées, d'une part, pour les provinces minières (Hainaut, Namur et Liège), d'autre part, pour les provinces exclusivement manufacturières et agricoles (Anvers, Brabant, les deux Flandres et le Limbourg); le

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par i ooo naissances, et dans les autres Z18, c'est-à-dire 3 de plus. La différence est moindre pour le rapport du nombre des enfants

Au moins ces unions, ainsi précédées d'une expérimentation qui,

naturels aux légitimes, 78 par 1.000 au lieu de 79; pour le nombre

si elle n'est pas un indice absolu de corruption, est du moins une

proportionnel des naissances, il y a inversion : 53 au lieu de Si

cause de scandale, sont-elles heureuses? Sur ce point, les ingé-

par 1.000 habitants de population moyenne dans l'année.

nieurs sont unanimes; l'influence du travail souterrain est déplo-

On peut admettre l'égalité, en présence d'écarts aussi faibles;

rable ! C'est pour assurer le bien-être de la famille qu'ils réclament

mais la mortalité est sensiblement moindre dans les provinces

une réforme prochaine et qu'ils espèrent voir disparaître cette

é.

triste nécessité de maintenir la femme dans l'ignorance des soins

minières : un peu plus de 20 décès par 1.000 habitants, au lieu de

Dans la Belgique entière, la mortalité annuelle est au-dessous de a5, chiffre de la France; dans le Hainaut, 20 exactement; dans le département du Nord 25 1/2. S'il y avait un écart considérable dans le nombre des naissances, ces différences de mortalité ne seraient peut-être qu'apparentes ; on pourrait les attribuer au calcul de h population moyenne formant le deuxième terme du rapport, qui est plus considérable là où la reproduction est plus active; mais nous avons vu que ces écarts étaient insensibles, notamment entre les provinces belges. Il faut donc croire au bien-être et à la longévité relative des populations minières. De ces divers chiffres et de beaucoup d'autres puisés aux sources officielles ou résultant de ses propres évaluations, l'ingénieur en chef directeur des mines de Mons conclut que les femmes vouées aux travaux de mines ne se distinguent ni par l'altération de leur santé, ni par l'irrégularité de leur conduite. Cette opinion est partagée par les ingénieurs principaux placés sous ses ordres : « Si l'on devait juger, — dit l'un d'eux, — de la femme du fond par son extérieur, par la crudité de son langage, le portrait qu'on en ferait ne serait guère ûatteur. Néanmoins la prostitution est un vice presque inconnu chez ces ouvrières, et, presque toujours, le mariage légitime l'enfant né des relations qu'elles ont pu nouer avec leurs compagnons de travail. » Une telle réparation n'exclut pas l'idée d'un véritable désordre moral, et malheureusement cette idée est confirmée par d'autres

du ménage et de lui en inspirer à l'avance le dégoût : « Si le manque d'ordre et d'économie est toujours chose mauvaise, il est surtout déplorable chez la femme : un grand nombre de ménages au Borinage vivent misérablement, bien que le travail des enfants et celui de l'homme produisent, chaque quinzaine, des sommes bien suffisantes à l'entretien de la famille (*). » C'est qu'au fond des mines « régnent l'éducation la plus détestable, le langage le plus grossier, les manières les plus basses. La femme va s'y dépouiller des principales qualités qui distinguent le sexe; elle y contracte des habitudes d'homme, des allures d'indépendance et de liberté, qui deviennent plus tard des causes de disputes, de querelles, et même de voies de fait. Gagnant un salaire assez élevé, elle devient prodigue et ne connaît plus, comme on dit, la valeur de l'argent. Habituée à sortir tous les jours, son intérieur lui devient à charge. Ce sont là autant de causes qui en font, par la suite, une mauvaise épouse, une mauvaise mère et une mauvaise ménagère. >> Aussi « une telle femme dépense-t-elle inutilement, après son mariage, plus qu'elle n'a gagné auparavant par un surcroît de salaire dans les mines. » Le remède, qui paraît si nécessaire, est-il possible? Oui, sans doute; car « on se demande aussi si le travail des femmes n'est pas un obstacle au progrès, eu restreignant l'emploi des chevaux et celui des moyens mécaniques pour le transport souterrain. Lorsqu'on commence une exploitation ou un nouvel étage, on a des hiercheurs à sa disposition et l'on dispose au plus vite les travaux en conséquence. Arrivé à une certaine distance, il est trop tard pour changer, on craint les dépenses et les chômages, et l'on continue de la sorte jusqu'à la limite du champ d'exploitation, sans avoir étudié s'il n'eût pas été plus économique de mettre en vigueur, de primo abord, les moyens cités plus haut(**). » Cependant les ingénieurs « sont loin d'approuver une interdiction qui serait

témoignages : « En général,—lisons-nous dans le rapport de l'ingénieur principal de Cliar-

(') Rapport de l'ingénieur principal du Borinage, à Mons. ("*) Rapport de l'ingénieur principal de Charleroi.