Annales des Mines (1870, série 6, volume 9, partie administrative) [Image 106]

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ENQUÊTE

OFFICIELLE SUR

LA

CONDITION

DES OUVRIERS DANS LES MINES ET

mais dans celles-ci, par contrôles femmes sont fort exposées à l'aspiration des poussières de charbon. Les femmes adultes les plus robustes soul souvent employées à la manœuvre des trains établis sur les travaux en descente. » Peut-être, en effet, ces travaux de manœuvre ne dépassent-ils pas les forces d'une femme robuste? Mais il faut avoir vu à l'œuvre ces ouvrières des mines et s'être accoutumé au spectacle de leurs fatigues, s'être assuré, par une expérience quotidienne, qu'elles y résistent sans altération de santé, pour se défendre, à la lecture de semblables énumérations, d'un sentiment pénible. Et, si l'on nonge que ce «travail s'effectue sans l'influence vivifiante delà lumière solaire, dans un air imprégné d'humidité quelquefois, souvent chargé de poussières et de gaz plus ou moins délétères », ou ne s'étonnera pas que l'ingénieur principal du Borinage le trouve « plus insalubre que beaucoup d'autres. » En vain son collègue de Charleroi objectera-t-il que les ouvriers, pour traverser les bures humides, sont placés dans des cages guidées recouvertes d'un chapiteau en tôle qui les abrite contre l'eau tombant en pluie ; qu'aujourd'hui, depuis l'approfondissement des travaux, portés dans les régions inférieures du bassin, les galeries ne sont plus envahies par les eaux des couches superficielles du sol, que l'humidité, dont l'air ambiant a pu se charger en passant dans les bures, est promptement absorbée par le poussier de charbon, sec et tenu, qui tapisse les galeries de la plupart des houillères; enfin que la privation de la lumière solaire n'empêche pas les chevaux, malgré le défaut de soin et la rudesse du travail, de devenir trop gras, avec la même nourriture qu'à la surface, et de garder sans cesse « le poil court et luisant appelé vulgairement poil d'hiver. » Quel que soit le mérite de ces observations, tous les ingénieurs s'accordent à reconnaître, avec l'auteur de ces observations lui-même, que, s'ils ne regardent pas « le travail de la femme à l'intérieur des mines comme beaucoup plus nsalubre que son travail dans certaines manufactures, il serait cependant préférable qu'on se contentât pour elle des travaux du jour. » Leurs réponses aux objections fondées sur un grave intérêt de moralité sont plus décisives. Depuis vingt ans déjà, l'ingénieur en chef de Mons s'était occupé de cette question et avait conclu dans des termes que son successeur a jugé utile de rappeler : « D'abord il faut qu'on sache, — disait M. Gonot, — que ce n'est pas dans les travaux intérieurs, quoi qu'on en ait dit, que des désordres peuvent avoir lieu. Ceux qui ont visité les mines, qui connaissent l'activité qui y règne, la

USINES

DE

BELGIQUE.

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surveillance continuelle qui s'y exerce; le grand nombre d'ouvriers qui y sont constamment en circulation, enfin la précision, la célérité et l'attention que chacun apporte à remplir la tâche imposée, ne seront pas étonnés de cette assertion. Ceux qui ne connaissent l'exploitation des mines que par les relations inexactes et incomplètes qui en ont été données, auront plus de peine à y croire; cependant les faits attestent que j'ai raison et qu'il se commet moins ' d'actes répréhensibles dans les travaux souterrains qu'à la surface, et surtout que dans les manufactures et dans les fabriques où exislo la promiscuité des sexes. » L'honorable ingénieur invoquait, à l'appui de cette opinion, une comparaison des registres de l'état civil de quelques cantons miniers et agricoles, de laquelle il résultait que les naissances illégitimes étaient, dans ceux-là, proportionnellement moins nombreuses que dans les derniers. Et il confirmait cette première observation par celle des registres d'une commune riche en exploitations, qui ne comptait, dans l'année, sur treize filles-mères, qu'une ouvrière des mines et une ouvrière employée aux travaux de la surface. Ces exemples étaient saisissants, bien que présentés sur une échelle trop restreinte. L'ingénieur en chef actuel de Mons a voulu les étendre et a réuni une statistique comparative des naissances légitimes et illégitimes, des enfants mort-nés et des décès annuels, dans diverses régions industrielles ou agricoles, soit en France, soit en Belgique : les résultats donnent une opinion très-favorable de l'état moral et sanitaire des ouvriers mineurs dans ce dernier pays. Bornons-nous aux principaux résultats : Le nombre des naissances annuelles par î.ooo habitants est de 35 en Belgique, au lieu de 27 seulement en France; celui des enfants naturels, par 1.000 naissances légitimes, de 77, au lieu de 82; en revanche, il y a, sur 1.000 naissances des deux catégories, près de Z18 mort-nés, au lieu deû5. La comparaison des statistiques du département du Nord et de la province de Hainaut, contrées dont l'industrie, les ressources, la population offrent de grandes analogies, n'est pas au désavantage de la province belge. Le nombre total des naissances est à peu près le même, 35 par 1.000 habitants. Mais le nombre des enfants naturels n'est que de 91 au lieu de io5 par 1.000 légitimes, et celui des mort-nés, de U7 au lieu de Z19 par 1.000 naissances d'enfants viables. A la vérité, l'industrie du département du Nord étant beaucoup plus variée que celle du Hainaut, les termes de comparaison ne sont pas identiques. Ce qui parait plus concluant que ces rapprochements interna-