Annales des Mines (1907, série 10, volume 12) [Image 42]

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ÉTDDE SUR L'INDUSTRIE DU FER

gées d'avoir recours aux forgerons travaillant en boutique. A part les ateliers Mangon et Rousseau, les usines les plus importantes n'emploient pas plus d'une cinquantaine d'ouvriers. Le personnel est toujours mixte : hommes, femmes, apprentis. Aucune usine n'est à feu continu, le travail journalier est partout de dix heures avec repos le dimanche. Population ouvrière. — Dans le pays existent deux éléments distincts : 1° L'ancienne population indigène propriétaire du sol, autrefois mi-agricole, mi-industrielle. Cette population, sobre, laborieuse, économe, constitue le meilleur élément du personnel des usines ; elle se transforme d'ailleurs assez rapidement. Depuis dix ans, attirés par les salaires de plus en plus élevés des usines, les ouvriers tendent à abandonner complètement la culture des champs pour rester toute l'année à la boutique ou à l'atelier. Cette transformation a comme résultat la dépréciation rapide de la terre, dont la valeur a diminué des deux tiers en vingt ans. C'est parmi ces ouvriers nés dans le pays que se recrutent les forgerons et les tourneurs les plus habiles. 2° Un élément de population flottante amenée par le développement de l'industrie et le manque de main-d'œuvre locale. Ces ouvriers sont venus en partie de la vallée de la Meuse et surtout de la Belgique ; une partie des Belges travaillant dans les usines se sont fixés dans les villages français avec leur famille ; les autres retournent chaque dimanche chez eux. Ces ouvriers sont surtout employés comme manœuvres ou à la conduite des machines. Salaires. — Les salaires vont constamment en augmentant, mais sont encore moins élevés que dans certains centres de la vallée de la Meuse. Le maximum est

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DANS LES ARDENNES FRANÇAISES

7 francs pour les bons ajusteurs. Certains forgerons très habiles peuvent gagner 10 ou 12 francs, mais ces ouvriers sont très rares. La moyenne du salaire des hommes peut être fixée entre 4 et 5 francs ; 5 francs est le prix d'un bon ouvrier à la journée. On ne trouve pas de manœuvres à moins de 3 fr. 50 par jour. Les femmes employées comme taraudeuses gagnent en moyenne 2 francs par jour. La paie se fait à la quinzaine. Capital et travail. — Presque tous les patrons de la vallée de la Semoy sont d'anciens ouvriers ; on trouve parmi eux très peu de capitalistes. Les relations entre ouvriers et patrons sont souvent cordiales ; les conflits sont très rares et n'atteignent pas au degré de gravité des grèves de la grande industrie. La seule grève qui eut lieu dans la vallée de la Semoy est celle de Thilay, aux boulonneries, il y a plus de quinze ans. Conditions de vie. — Les ouvriers originaires du pays sont souvent propriétaires ou aspirent à le devenir. Beaucoup possèdent une maison et des champs que cultive leur famille. Les moins fortunés élèvent un porc ou nourrissent des chèvres. Mais la population qualifiée d' « étrangère » par les anciens habitants du pays apporte des habitudes de vie toutes différentes. Ces ouvriers pratiquent rarement l'économie ; ils se contentent de vivre au jour le jour. Avec eux apparaît l'alcoolisme, plus développé en aval au contact des centres populeux de la vallée delà Meuse. Thilay consomme déjà beaucoup d'alcool et connait le chômage du lundi. Les ouvriers de Hautes-Rivières boivent moins et se contentent jusqu'à présent du repos hebdomadaire. Logement. — Hygiène. — Le développement de l'industrie amenant dans le pays beaucoup d'ouvriers étrangers, Tome XII, 1907.

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