Annales des Mines (1904, série 10, volume 5) [Image 11]

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NOTICE SDR M. E. LAME FLEURY

NOTICE SUR M. E. LAMÉ FLEURY

il ne paraît pas qu'il ait pu intervenir utilement pour remédier aux défectuosités de cette loi sur deux des points de la loi de 1810 que le nouveau texte remaniait, celui des carrières et surtout celui des minières. Aussi bien, il ne fut pas appelé à prendre part directement, comme Commissaire du Gouvernement, aux débats devant le Sénat où la loi fut exclusivement discutée. Dans la gestion des affaires courantes, qui est le lot plus spécial d'un Directeur, Lamé Fleury se montrait particulièrement soucieux de rendre, avec toute sa compétence, cuique suum; plus soucieux même parfois de résoudre la question en juriste consommé qu'en administrateur voulant atteindre un but et auquel il est alors permis, non pas à coup sûr de méconnaître la loi, ce que nul ne peut jamais faire pour aucun motif, mais de l'interroger et la traduire avec une certaine souplesse. 11 appor tait dans ses idées de justice distributive un tel scrupule, à coup sûr fort louable, que, pour peu que le doute fût possible, il le résolvait contre les grandes Compagnies, tant il tenait à établir, à affecter même, son indépendance à leur égard. Il montra avec éclatées sentiments dans la célèbre affaire des minerais superficiels de Mokta, où il amena son Ministre à défendre devant le Conseil d'Etat, inutilement du reste, un avis contraire à celui émis par le Conseil général des Mines, chose à coup sûr fort rare dans les fastes administratifs ; Lamé Fleury craignait que cet avis du Conseil n'eût été inspiré par des raisons d'équité plus que de droit absolu. Lorsque la Direction des Mines au Ministère des Travaux publics disparut en juillet 1879, après trois ans d'existence, avec toute la luxueuse organisation Christophle, Lamé Fleury, qui avait été promu Inspecteur général de 2e classe, le 15 mars 1879, ne crut pas devoir rentrer au Conseil général des Mines ; il préféra aller au Conseil d'Etat. Il apportait à la Section des Travaux publics,

où il prit rang, une force particulière avec sa compétence spéciale en mines, en chemins de fer et en économie industrielle. Des raisons de convenance personnelle l'amenèrent, en janvier 1880, à quitter cette Section pour celle du Contentieux, où il resta jusqu'en 1888, pour passer à celle de l'Intérieur, dont il fut membre jusqu'à sa mise à la retraite en avril 1895. Entre temps du reste, il avait été nommé Inspecteur général des Mines de ï" classe, le 1 er juillet 1884. Il eût été difficile de trouver personne plus qualifiée que Lamé Fleury pour faire un parfait Conseiller d'Etat. Il avait une grande culture générale, une véritable autorité juridique, la pratique des dossiers et, par son absolue indépendance, il pouvait inspirer toute confiance aux intérêts sur lesquels il avait à délibérer. Il était indépendant par sa fortune, qui lui permettait de n'avoir besoin pour vivre à sa guise ni de carrière ni de profession ; il était indépendant par l'absence absolue d'ambition tant pour lui que pour les siens, à ce point que, par goût non moins que par système, il s'isolait absolument du monde; mais surtout il était indépendant de nature et de caractère. Ses hautes qualités étaient reconnues à ce point par ses collègues qu'un des plus qualifiés lui écrivait au moment de sa mise à la retraite : « J'ai servi avec vous avec la « certitude que marcher Avec vous, c'était marcher droit « et honnêtement »; et un autre, dont la compétence et la situation n'étaient pas moindres, lui mandait : « Vous « êtes de ceux dont l'exemple a contribué à former chez « moi la conscience du juge; devenu avec le temps votre « collègue, j'ai continué à voir en vous un de mes maîtres ; « et plus d'une fois, sur des questions où je n'avais pas « de lumières personnelles, c'est votre vote qui a déter« miné le mien. » Nombre de ses collègues, et non des moins considérés, avaient tenu d'autant plus à lui marquer de la sorte leurs