Annales des Mines (1904, série 10, volume 5) [Image 10]

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NOTICE SUR M. E. LAMÉ FLEURY

le premier des subordonnés du ministre, et notamment dans ces questions générales et importantes d'orientation à donner aux fonctionnaires, à la marche même du service. Lamé Fleury, avec toute son indépendance, en fournit la preuve la plus péremptoire dans une des questions, toujours discutées, et à coup sûr des plus graves en matière de mines, celle des concessions inexploitées. A quatre mois d'intervalle il dut, pour deux Ministres différents, rédiger deux circulaires où l'Administration soutenait successivement les opinions qui ont cours sur ce sujet. Si la circulaire du 10 février 1877, qui menaçait en principe de déchéance toute mine inexploitée, fut écrite par ordre, on peut être assuré que celle du 15 juin 1877, qui retirait la première pour ne laisser agir que le régime des libres transactions entre particuliers, rendait bien la pensée même de Lamé Fleury. Il put développer toutes ses conceptions sur le régime des mines dans le projet de loi portant refonte de notre législation minérale, qui fut déposé par le Gouvernement au Sénat, le 17 novembre 1877. Cette question était posée depuis les Rapports faits à l'Assemblée Nationale r à la suite de la crise houillère de 1872-1873, où les combustibles atteignirent des cours supérieurs encore à ceux que nous avons subis tout récemment. Divers projets avaient été préparés à l'Administration des Travaux publics, soit par des Commissions spéciales, soit par le Conseil général des Mines. Devenu Directeur, Lamé Fleury reprit tout ce travail et rédigea de sa main, en ne s'inspirant que de lui-même, le texte et l'Exposé des Motifs de ce projet de loi. C'était la condensation de toutes les idées qu'il avait acquises en matière de mines, leur cristallisation à ce moment de sa vie. Cette revision sommeillait cependant quelque peu dans les cartons de la Direction; le Ministère du 16 mai crut opportun de faire acte de vitalité par le dépôt d'un projet dont les idées générales répon-

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daient en somme assez bien à celles qu'il représentait, et ce fut ainsi que le texte sortit des cartons pour être présenté au Sénat. Sa vie parlementaire ne devait pas être longue. Avant même qu'il eût été examiné par une Commission, il était retiré par le Ministère qui avait succédé à celui du 16 mai, par le motif qu'une aussi importante réforme devait être soumise préalablement au Conseild'État. Celui-ci, on le sait, fut d'avis de se borner à apporter à la loi de 1810 les quelques modifications de détail qui paraissaient découler des enquêtes parlementaires de 1873-1874, en se gardant bien de toucher aux grandes lignes et partant aux articles fondamentaux de la loi de 1810. De là naquit la loi du 27 juillet 1880. De ce projet de 1877, aussitôt mort que né, il n'y a lieu de retenir, comme marquant bien les idées de Lamé Fleury en matière de mines, que quelques traits essentiels, qui sont d'ailleurs les principaux de l'œuvre. Le projet affirmait encore plus que la loi de 1810 l'assimilation de la concession de mines à la propriété de droit commun, et notamment en rétablissant la complète liberté de réunion qu'avait interdite le décret du 23 octobre 1852 et surtout en supprimant la déchéance pour inexploitation. D'autre part, bien qu'en principe il maintint l'institution des mines suivant le système de droit régalien , par le libre choix du Gouvernement, le projet admettait que dans certaines circonstances on pourrait recourir à l'adjudication. Lamé Fleury, en conformité d'un avis antérieur du Conseil général des Mines, qu'il avait provoqué comme Secrétaire de ce Conseil, voyait là surtout un moyen de résoudre la difficulté, parfois inextricable, du choix à faire entre plusieurs demandeurs, et il ne se préoccupait guère des ressources, qui ne pourraient être généralement que bien modestes, à attendre de pareilles adjudications. Bien que Lamé Fleury soit resté Directeur pendant toute la durée de la discussion de la loi du 27 juillet 1880,