Annales des Mines (1903, série 10, volume 3) [Image 89]

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SUR HTPPOLYTE LACHAT

concluait que les roches feldspathiques et chloriteuses de Modane n'étaient autre chose que du Houiller métamorphique. Un certain nombre de géologues se rallièrent à l'avis de Lâchât. Studer lui-même, que ses fonctions de président inclinaient vers la conciliation, nous est représenté, par le compte rendu de la réunion, comme très ébranlé. « M. Studer répond que les gneiss chloriteux, à grands « cristaux de feldspath, observés en face des ateliers du « chemin de fer et de là jusqu'à Modane, sur la rive « droite de l'Arc, sont aussi nettement caractérisés que « les gneiss analogues qu'on trouve en maintes parties « des massifs du Mont-Blanc et du Mont-Rose ; quant aux « schistes micacés qui les recouvrent près du pont du « Freney, et au-dessus desquels viennent les grès à « anthracite, il n'est pas impossible qu'ils soient, au moins « en partie, une dépendance des grès à anthracite. » La réplique de Lory fut très vive. Ce n'est pas faire injure à la mémoire de ce grand savant que de dire, une fois de plus, qu'il n'aimait point la contradictionVoici comment il termine — c'est lui qui est le secrétaire de la réunion — le compte rendit de la journée. « M. Lory proteste contre la tendance qui a porté « beaucoup de géologues à faire intervenir à chaque pas, <( dans les Alpes, des actions métamorphiques, dont il « n'existe aucune preuve réelle ; à voir des sédiments « houillers ou jurassiques modifiés dans des roches pure« ment cristallines et feldspathiques que, partout ailleurs, « on appellerait gneiss ou micaschistes, et sur l'ancieu<( neté desquelles on n'élèverait pas le moindre doute. Ces « doctrines sont toujours des conséquences de cette nré« thode stratigraphique incomplète, qui a fait regarder les « grès houillers de Saint-Michel comme superposés « régulièrement au Lias des Encombres... La nuit n'a p» s « permis de continuer plus longtemps, en plein air, cette

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« discussion, dont les aspects géologiques des montagnes « visibles de Modane fournissaient les éléments. » Le lendemain, Lâchât, soit qu'il regrettât de s'être laissé entraîner à quelque vivacité de langage, soit qu'il eût été froissé par la véhémence des ripostes de' Lory, quitta définitivement la réunion. C'était une faute. Lory eut le tort, de son côté, quand il rédigea le compte rendu de la journée du 4 septembre, de ne point nommer son contradicteur : son excuse est qu'il regardait l'opinion de Lâchât comme totalement déraisonnable. Lâchât n'abandonna pas cette opinion. Il accumula chez lui les échantillons d'assises partiellement métamorphiques, ceux qui montraient le passage graduel des sédiments non transformés aux micaschistes indubitables et aux gneiss certains. Et, confiant dans la force invincible delà vérité, il attendit, avec la patience d'un montagnard, le triomphe de sa théorie. Dès 1862, il eût été en mesure de donner, en faveur de l'existence, dans les Alpes, du Houiller métamorphique et du Permien métamorphique, des arguments irréfutables. Mais il n'aimait point à écrire, et la lutte ne l'attirait guère. Il se contenta de présenter a la Société d'Histoire naturelle de Savoie quelques courtes notes, qui passèrent inaperçues. Quant à Lory, il continua de ranger dans le terrain primitif les micaschistes et les roches feldspathiques de Modane et d'Aussois. Aucun doute ne lui vint jamais à c et égard. Quelques années avant sa mort, préparant les minutes des cartes géologiques à l'échelle de \ : 80.000 et de la carte au millionième, il attribua sans hésitation au ^ristallophyllien ancien, au Prépaléozoïque, toutes les assises cristallines de la Haute-Maurienne, à l'exception es Schistes lustrés. Il ignorait sans doute que Lâchât, à ( fuelq 60 kilomètres de Grenob|e, avait chez lui, et lle n.iontrait a quiconque le venait voir, une curieuse collecon de sédiments houillers et permiens métamorphiques.