Annales des Mines (1895, série 9, volume 8) [Image 310]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

614

NOTICE HISTORIQUE

SUR PIERRELOUISANTOINE CORDIER.

l'exemple de l'Angleterre comme décisif. La Société royale de Londres, consultée, dans un rapport fait en

surprise d'entendre s'ouvrir brusquement la porte du cabinet de son père, puis des éclats de voix, et, finalement, quelqu'un descendre plus précipitamment qu'il ne l'eût voulu. C'était le solliciteur d'une concession de mines, qui avait insinué à Cordier que des actions lui

1814, avait conseillé, sinon d'interdire, du moins de restreindre le nouveau mode d'éclairage, en éloignant les gazomètres de toute habitation, sans que leur capacité pût dépasser 6.000 pieds cubes; on autorise aujourd'hui, sans crainte, des réservoirs mille fois plus vastes. Après sept ans d'épreuves, le gouvernement anglais conçut de nouvelles alarmes, et voulut de nouveau consulter les hommes d'expérience et de talent. « Mais, s'écrie l'ardent pétitionnaire avec une éloquente ironie, il se garda bien 'cette fois de consulter la Société royale et de faire parler les savants, espèce de gens assez bons pour les théories, mais à vues étroites, à consciences trop peu friables et qui pensent que l'or et la politique ne peuvent rien contre les droits de l'humanité, les lois de la physique et les règles de la logique ! » Le gaz continua à éclairer la ville de Londres : aucun accident ne se produisit. L'exemple n'en semble pas moins décisif. Aucune explosion ne s'est produite, mais il pourrait s'en produire, et si les circonstances défavorables se trouvaient réunies, les effets possibles, très mal calculés d'ailleurs, seraient terribles. Dans l'intérêt même des concessionnaires, il faut prévenir un tel danger. Le plus sûr moyen est de fermer l'usine. Le Gouver-

nement, conformément au désir du pétitionnaire, prit pour juge l'Académie des sciences. L'affaire fut renvoyée

à Thenard, Gay-Lussac et Cordier, qui se chargea du rapport. Approuvé par ses illustres confrères, il conseilla de passer outre, en discutant avec beaucoup de sagacité et de franchise les dangers, malheureusement réels, dont on exagérait la vraisemblance aussi bien que la gravité. Les solliciteurs chez Cordier étaient reçus avec une bienveillante politesse ; une de ses filles, un jour, fut

615

seraient réservées. Cordier, correspondant de l'Institut en 1808, avait en 1817 remplacé Haüy dans la section de minéralogie. Quoique ses publications très concises eussent été jus-

que-là données comme à regret, l'opinion des géologues le plaçait au premier rang. C'est pour lui-même surtout et pour mieux instruire ses élèves que Cordier consacrait à ses voyages tous ses mois de liberté, et à ses méditations sur la géologie toutes ses heures de

loisir.

Le savant Ramond, compagnon de ses excursions dans les Pyrénées et en Auvergne, oncle chéri et père d'adoption de Mn" Cordier, reprochait à son neveu trop d'indifférence pour la gloire, et trop peu d'habileté à rappeler son nom au public : « Il faut de la politique partout, lui écrivait-il en 1812; je termine ma lettre par un avis politique. Avancez la saine doctrine au milieu des hérésiarques, l'honneur vous restera. La section de minéralogie

ne peut manquer d'éprouver bientôt quelque perte, il faut que vous y arriviez. Ceux qui se compromettent dans

l'opinion des savants travaillent pour vous. » Ramond ajoute (ce que, pour ma part, je crois discutable) : « Ce qui est pis que de se compromettre, c'est de se laisser oublier. Il est bon de se défier de soi, mais n'outrons pas la modestie ; peu de gens sont appelés à rendre des oracles du: premier coup, ce que vous aurez fait assez bien doit vous satisfaire. Vous ferez mieux demain.

»

Haüy, moins politique mais non moins confiant dans l'avenir de son jeune ami, lui écrivait à la même époque ,( Vous irez loin dans la science, parce que Vous y OrTome VIII, 1895.

41