Annales des Mines (1895, série 9, volume 8) [Image 311]

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NOTICE HISTORIQUE

tez un esprit juste, qui ne prétend pas faire dire à la nature plus qu'elle ne dit, » Cordier recherchait les roches en amateur passionné, et les étudiait en savant capable de choisir, de juger, de perfectionner les méthodes. Le problème est complexe et des plus difficiles. Les particules les plus diverses sont mélangées, réduites en pâtes d'apparence homogène dont l'oeil ne peut distinguer les détails variables d'un fragment à l'autre. La chimie confond dans ses analyses les éléments d'origine différente, et, en réunis-

sant ce qui doit rester séparé, en mesurant le tout.

elle confond les détails. Cordier a substitué à l'analyse chimique l'analyse mécanique, qui consiste à réduire en parcelles les espèces minérales dont on peut suspecter l'existence dans la roche. Après avoir étudié avec précision les caractères distinctifs de chacune, on pulvérise les roches, on lave et on vanne, pour réunir, selon leur nature, les particules que la pulvérisation a désunies, el:, comme de la Montagne on a extrait la roche, sa parcelle

grossière, on extrait de la roche les parcelles

homo-

gènes, classées et déterminées par la science. C'est une sorte de minéralogie microscopique, disait Cuvier en analysant ce grand et beau mémoire,. c'est ainsi qu'il le nomme. La minéralogie microscopique, sous le nom de pétrologie, a pris rang entre les sciences solides et précises.

La polarisation de la lumière a transformé les mé-

thodes et élargi les conclusions ; mais aujourd'hui

comme en 1822, tous les savants de l'Europe, pétrolo-

gistes ou minéralogistes, salueraient Cordier comme leur initiateur et leur maître. La fluidité primitive du globe terrestre, qu'aucun savant ne contestait alors, est-elle aqueuse ou ignée? Les géologues étaient partagés. L'école des neptuniens, celle de Werner, n'acceptait aucun doute sur la formation aqueuse

SUR PIERRE-LOUIS-ANTOINE CORDIER.

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des terrains stratifiés. Les vulcaniens, disciples de Hutton, déclaraient évidente l'origine ignée des terrains -granitiques. La conciliation est facile. Le feu et l'eau ont joué chacun leur rôle ; mais que faut-il croire de la masse interne? Si je déclare que l'opinion du feu central est aujourd'hui acceptée par la science, on me trouvera trop timide. Pourquoi dire acceptée quand les preuves sont certaines? Si personne aujourd'hui ne conteste sur cette question, les travaux de Cordier y ont largement contribué. En 1827, si nous en croyons Cuvier, le feu central était une hypothèse. De grands mathématiciens, c'était une présomption favorable, ne l'ont pas, disait-il, trouvée en contradiction avec leurs formules. Ces formules étaient celles de Fourier, qui, non sans raison, reprochait à son collègue d'être trop difficile à convaincre. Le mémoire de Cordier, de plus facile accès, a. été fort admiré, beaucoup lu, et souvent cité depuis.

Un savant habile à se faire écouter, Babinet, dans la séance publique des cinq Académies, le 14 aoâ 1854, disait ici même : « Ce mémoire, qui a fixé la science, mais dont l'auteur, se plaçant hors du cadre des bruyantes réputations, n'a pas recueilli toute la gloire qui lui était due, et que la postérité lui payera. »

La température des couches terrestres s'accroît â partir de la surface, proportionnellement à la profondeur, aucun doute sur ce point n'est possible. La progression, inégale pour les diverses régions, est en moyenne d'un degré qu'il faut ajouter, par chaque enfoncement de,

trente mètres, à la température moyenne de la surface.

Cette loi étendue jusqu'au centre y assignerait une tem-

pérature de 200.000 degrés. La règle de trois, toujours téméraire quand on en veut étendre les applications, est ici condamnée par ses conséquences. Cordier, sans croire de tels chiffres, accepte comme certaine la grande