Annales des Mines (1895, série 9, volume 8) [Image 309]

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NOTICE HISTORIQUE

SUR PIERRE-LOUIS-ANTOINE CORDIER.

retourner. Le malheureux avait une attaque d'épilepsie qui dura plus d'un quart d'heure et dont il est resté hébété toute la journée. Tu peux juger de mon embarras

préfectures étaient promises aux enfants de Cordier. Ils étaient quatre, en effet : une jeune fille était l'aînée ; un

pendant ce maudit quart d'heure, luttant contre un des plus vigoureux gaillards de la contrée, sur la pente d'un précipice, ignorant combien cela pouvait durer, menacé du brouillard, des nuages qui commençaient à envahir toutes les sommités et craignant que les chevaux ne s'échappassent avec mes cartes, mes pierres, mes effets et mon

argent. » Cordier, quelques semaines plus tard, apprenait dans les montagnes les événements de juillet 1830. Il continua sa tournée, jugeant inutile, comme il en soupçonnait un de ses plus illustres collègues, d'accourir au secours des vainqueurs. Après avoir inspecté, en 1837, les mines d'Anzin et visité celles de Mons, Cordier s'arrêta à Abbeville. On y préparait une élection législative. Quelques amis eurent la pensée d'appeler pour représenter la ville un de ses plus

illustres enfants. Cordier laissa faire, non sans répu-

gnance, ni bientôt sans regret. Ses lettres écrites à Mme Cordier pendant cette campagne, pour lui si nouvelle, sont de moins en moins respectueuses pour les privilégiés du suffrage restreint. Cordier les trouve trop nombreux, il leur devait à chacun une visite, comme dans les candidatures académiques ; mais nos candidats, ils le disent du moins, prisent plus haut les lumières de leurs juges. « Je voudrais, écrit à Mme Cordier le candidat affairé, amuser les enfants ainsi que toi par une gazette électo-

rale détaillée, mais je n'ai pas le temps de plaisanter. » « Notre député n'est pas brillant », disait-on, peutêtre à tort, du prédécesseur, concurrent de Cordier, mais

on ajoutait : « Il vaut mieux pour nous qu'un membre de l'Institut! » On savait de bonne source que quatre sous-

frère de quatorze ans, le second, était suivi par deux

surs dont l'une au berceau. Inhabile à ce genre de lutte, Cordier fut battu, et se promit de ne pas recommencer.

Le Gouvernement, depuis plus de vingt ans, consultait sans cesse Cordier sur les grandes affaires relatives aux travaux publics. On avait apprécié en maintes occasions

le jugement ferme et prompt, la vigilance éclairée et l'esprit de droiture qui doublait chez lui l'autorité du savant. Quand un ministre des travaux publics jugea utile et juste de le proposer pour la pairie, la nomination fut approuvée de tous. Très utile dans les questions

spéciales qu'il était souvent seul capable de traiter à fond, indispensable dans les commissions relatives aux

travaux publics, où le rôle de rapporteur lui semblait dévolu à l'avance, Cordier fut pendant quinze ans, sans appartenir à aucun parti, un des membres les plus honorés et les plus actifs de la haute Chambre. Les affaires dont Cordier prépara la solution sont nom-

breuses; nous n'avons pas à les énumérer. Plusieurs cependant sont de grande importance. La première usine à gaz de Paris avait éclairé d'abord le théâtre de l'Odéon et quelques boutiques du quartier. Après quatre années de succès, la compagnie demanda

l'autorisation d'établir une usine nouvelle dans le faubourg Poissonnière. Les travaux projetés parurent immenses. C'était la centième partie peut-être de ce qui a été réalisé depuis. Des protestations furent adressées au préfet de police, au Conseil d'État, et au roi lui-même. Un conseiller d'État habitant du quartier dirigeait la campagne et faisait bon marché de son titre. «Il s'agit, s'écria-t-il, de la vie des hommes ; c'est comme homme que je dois la vérité au Gouvernement. » On alléguait