Annales des Mines (1895, série 9, volume 7) [Image 149]

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290 NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR ERNEST MALLARD.

charmante, dans ce laboratoire d'où sont sorties ses plus belles découvertes, et qui garde encore, comme souvenir de lui, un remarquable goniomètre de son invention, spécialement adapté à la mesure des cristaux microscopiques. Depuis le jour où Mallard était devenu chef d'école, -

aucune vacance ne s'était produite à l'Académie des sciences dans la section de Minéralogie. Ce n'est qu'en 1890 qu'un siège y devint libre. Mallard n'avait presque jamais paru dans l'enceinte académique. Toujours absorbé par ses travaux ou ses fonctions, il n'avait pas cherché à

nouer d'avance de ces relations qui peuvent préparer le succès d'une candidature. Néanmoins l'exposé de sés

titres, et surtout la façon dent s'exprimaient sur son compte tous ceux qui avaient autorité pour le juger, suffirent pour assurer son succès dès le premier tour. Jamais distinction ne fut plus à propos ; jamais aussi une élection n'eut lieu dans des conditions plus encourageantes pour le vrai mérite. Quand on songe que lui, le moins âgé de

la section, allait quatre ans après payer son tribut à la mort, on frémit à l'idée qu'une erreur de jugement, de la part de quelques membres incomplètement informés de sa valeur, aurait pu fermer pour jamais à un tel homme les portes de l'Académie ! Grâce à Dieu, il n'en a rien été,

et l'histoire, loin d'avoir à reprocher à la savante compagnie un acte d'injustice, lui saura gré, au contraire, d'avoir si volontiers admis une supériorité que bien peu étaient personnellement à même d'apprécier en pleine connaissance de cause. Jusqu'ici c'est surtout le savant que nous avons envisagé dans Mallard. Mais, pas plus à Paris qu'a SaintÉtienne, les travaux de science pure ne lui ont fait oublier qu'il était ingénieur. Son activité si bien ordonnée lui permettait de concilier les -devoirs les plus divers, et libre de tout lien personnel, puisqu'il ne s'était pas marié,

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il a su mener de front, avec un labeur scientifique surprenant, l'accomplissement de fonctions administratives et techniques, où l'occasion lui a été fournie de rendre au pays des services qui suffiraient à l'illustration d'une

carrière. Ingénieur en chef depuis 1877, il avait été nommé, l'année suivante, membre de la commission chargée d'étudier les moyens propres à prévenir les explosions de grisou. C'était réveiller chez lui d'anciens souvenirs ; car dix ans auparavant, à Saint-Étienne, il

s'était préoccupé de cette grave question et sur son initiative, la Société de l'Industrie minérale avait entrepris les premières recherches vraiment scientifiques auxquelles ce problème, si capital pour la sécurité des mineurs, eût jamais donné lieu. Dans un rapport demeuré classique, il avait alors démontré les dangers que présente l'emploi de la lampe de Davy, et fait connaitre les améliorations à introduire dans la construction des appareils de sûreté. Cette tâche n'a cessé de l'occuper jusqu'à sa dernière heure, se compliquant chaque jour de missions nouvelles, que sa compétence de mieux en mieux reconnue lui faisait attribuer. C'est ainsi qu'en 1 887 il était nommé membre de la commission chargée d'étudier l'emploi des

explosifs dans les mines à grisou. Il s'en acquittait de telle façon, que la même année le ministère de la guerre le faisait adjoindre, comme membre temporaire, à la commission des substances explosives, en attendant qu'en décembre 1888 il devint membre du comité spécial consultatif des poudres et salpêtres. Quelques jours avant Sa mort, il dirigeait les travaux d'une commission d'expériences, qui étudiait à la poudrerie de Sevran-Livry les

conditions d'établissement des dépôts souterrains de dynamite, et en même temps il prenait une part active aux délibérations d'où devait sortir un règlement applicable à toutes les mines françaises.