Annales des Mines (1895, série 9, volume 7) [Image 55]

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ÉTUDE SUR L'INDUSTRIE DES PHOSPHATES

ET SUPERPHOSPHATES.

3° L'eau comme agent de transport. Quant à l'origine même du phosphate dans les roches sédimentaires, on n'a pas de données précises sur cette question. L'examen des hypothèses mises en avant à ce sujet sort du cadre de ce travail, car elles se rattachent aux études de physique générale du globe.

duire dans nos laboratoires, l'action dissolvante des eaux

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Le pouvoir de dissolution de l'eau chargée d'acide carbonique sur le calcaire et sur les marnes est un phénomène bien connu. On ne se rend cependant pas compte en général de la puissance de ce pouvoir dans les condi-

tions où il a pu et où il peut s'exercer encore dans les étages géologiques où les eaux superficielles circulent. Examinons donc le phénomène de plus près. Voici d'abord le coefficient de dissolution de cet acide dans l'eau, à des pressions croissantes Tableau donnant la quantité d'acide carbonique que dissout une partie d'eau distillée à la température de zéro degré et à des pressions variant de zéro à 4 atmosphères (*) PRESSION DE L'ACIDE CARBONIQUE EN CONTACT AVEC L'EAU

en millimètres 697,71

809,03 1.289,41 1.469,95 2.002,06 2.188,65 2.369.02 2.554:00 2.738,33 3.109,51

POIDS DE CO2 Dissous dans

en atmosphères

i mètre cube d'eau

0,91 1,06 1,69 1,93 2,63 2,88 3,10 3,36

Ok,9441

3,60 4,09

1 ,1619 1 ,8547 2 ,1623 2 ,9076 3 ,1764 3 ,4857

3 ,7152 4 ,0031 4 ,5006

On voit que ce coefficient est à peu de chose près proportionnel à la pression. On s'explique donc que dans

la profondeur du sol et des mers, à des pressions infiniment supérieures à celles que nous pouvons repro(*) Annales de chimie et de physique, t. XXV, p. 346.

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puisse avoir une intensité hors de proportion avec nos notions courantes sur la solubilité des roches dans les eaux superficielles. En définitive, l'eau chargée d'acide carbonique sous la pression qu'elle acquiert dans les profondeurs de l'écorce

terrestre est un véritable acide, assez énergique même pour attaquer les feldspaths ; elle enlève à ceux-ci leur soude, leur potasse, leur magnésie, en mettant la silice

en liberté. M. Rigaud, dans un travail très nourri en aperçus nouveaux, qui vient de paraître (*), a fait ressortir très clairement le rôle puissant des eaux dissolvantes dans la profondeur du sol. Il n'a pas examiné, dans son étude, faite au point de vue particulier de la houille, l'application de ces principes à la formation des phosphates, mais les considérations qu'il a esquissées sont conformes à la théorie que j'expose en ce moment. En tout état de cause, il est certain que la dissolution des calcaires est fonction des surfaces en contact. L'action sera évidemment d'autant plus active et plus rapide

que les roches qui lui sont soumises seront plus perméables et plus poreuses. Or, les calcaires de la Floride

sont en majeure partie de nature essentiellement poreuse. On conçoit donc que les circonstances les plus favorables à une désagrégation rapide et à un enrichissement puissant en acide phosphorique s'y soient trouvées réunies. Si on ajoute que, même encore à l'époque actuelle, les eaux superficielles en Floride sont plus fortement chargées d'acide carbonique que la moyenne, on comprendra que toutes les conditions requises pour la formation de gisements secondaires de phosphate riche aient pu se trouver rassemblées. (*) F. Rigaud. La formation de la houille. Revue scientifique, série, t. Il, p. 394.