Annales des Mines (1894, série 9, volume 6) [Image 161]

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DISCOURS PRONONCÉS AUX FUNÉRAILLES

DE M. E. MALLARD.

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Dès ses débuts dans la vie administrative, le service

rablement , en même temps que trop souvent diminue

ordinaire, d'importantes études géologiques sur le terrain

l'élégance de la solution. Quelle admiration ne comman-

et l'enseignement de l'excellente École des minés de

dent pas, au point de vue humanitaire, des recherches dans lesquelles on voit toute l'intelligence d'un Mallard disputer pied à pied au grisou ses victimes, et dompter finalement, dans une partie de ses effets destructeurs, le vieil ennemi du mineur! Dans cette voie, il a attaché son

Saint-Étienne l'avaient successivement préparé aux plus hautes destinées scientifiques. Une mission dont il fut chargé au Chili se termina pour lui au moment de l'effondrement de la puissance militaire de la France. A peine débarqué à Bordeaux , Mallard réclama du service el prit part comme chef du Génie civil à la douloureuse expédition de l'armée de l'Est pendant le terrible hiver de 1870. Son rare mérite lui ouvrit successivement toutes les portes. L'Académie des sciences, le Conseil général des

Mines viennent tour à tour de revendiquer pour eux devant vous sa gloire ; et je ne saurais reprendre les brillantes énumérations qui vous ont été présentées. Mais il m'est bien permis de dire que l'École nationale supérieure des Mines est restée sa véritable patrie. C'est de là que sont sortis ses plus belles recherches et leurs plus impor-

tants résultats. J'ai aussi à apporter sur cette tombe le suprême adieu d'une autre compagnie dont il était l'âme : la Commission du grisou. Les recherches accomplies par Mallard sur le

grisou, tant en son nom personnel qu'en collaboration avec M. Le Chatelier, l'ont placé absolument hors de pair dans cet inextricable domaine. La méthode des sciences expérimentales consiste ordinairement à circonscrire les uns après les autres des phé-

nomènes déterminés, en isolant chacun d'eux de toute autre influence , pour leur arracher successivement le secret de leurs lois théoriques. Mais tel ne peut pas être le procédé de l'ingénieur, qui doit, au contraire, se mesurer corps à corps avec la réalité des conditions de la pratique, en les envisageant dans toute leur effective complication. Les difficultés s'accroissent par là considé-

nom à la création des explosifs de sûreté, à la découverte

du retard à l'inflammation du grisou, à la rectification d'idées inexactes sur la chaleur spécifique des gaz, et à beaucoup d'autres nouveautés de premier ordre. C'était un grand esprit! Tout avait mûri en lui. Les faits s'étaient classés dans ce cerveau dans un lumineux ensemble. Sa méthode était simple, puissante et sûre. De tant de travaux divers se dégageait chez lui cette essence supérieure des choses de l'intelligence la philosophie. Philosophie de l'âme, philosophie des sciences, philoso:

phie de l'histoire, tous se réclament de la philosophie, mais combien l'atteignent en réalité? Mallard avait l'esprit philosophique et très simple. Dans le domaine de la jurisprudence, si un cas se présentait, hérissé de textes, de précédents, de pour et de contre, il rédigeait un rapport très sobre qui mettait les choses au point. C'était juste, c'était droit, c'était complet. Après la lecture de ces courtes pages, chacun se demandait : Que pourrait-on encore ajouter? et l'on ne trouvait rien. En fait de science, il allait droit au but avec une grande sûreté. Il a touché à bien des ordres d'investigation, mais son oeuvre principale reste la cristallographie, à laquelle il a apporté son véritable couronnement. Il a su discerner

dans les théories géométriques si ardues, si pénibles de Bravais, la clef profonde de ces phénomènes délicats, et il l'a révélée au monde savant émerveillé. Dans l'École des Mines, il a été, il y a une dizaine d'an-