Annales des Mines (1894, série 9, volume 5) [Image 74]

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LES EAUX MINÉRALES DE PleiEFERSRAGATZ.

En 1535, l'abbé Jacques réalisa un nouveau progrès en faisant placer, sur la rive droite de la Tamina, un escalier en bois de 230 mètres de long, qui permettait d'éviter

la descente par le treuil (quoique celle-ci fût encore

pratiquée pour les impotents, auxquels l'escalier semblait trop ardu). On pouvait alors arriver à la source en partant, soit du village de -Valens, sur les hauteurs de la rive gauche, soit de celui de Pfeefers sur la rive droite ; des deux côtés, on trouvait un sentier praticable pour les piétons, avec un pont sur la Tamina, la Tobelbriicke, quiles reliait. Pour célébrer ce nouvel état de choses, l'abbé Jacques fit écrire, en 1535, par Philippus-Aureolus-Theophrastus-Bombastus-Paracelsus von Hohenheim [que nous appelons plus simplement Paracelse (*)], une première description des eaux, sorte de Guide des touristes, qui eut rapidement neuf éditions successives. On trouve déjà,

dans cet ouvrage, des idées justes sur la composition

chimique des eaux de Pliefers : Paracelse avait, en effet. remarqué qu'en distillant l'eau de Pfeefers, on obtient un résidu presque nul, et en avait conclu que cette eau était absolument pure, sans soufre, ni aucun autre minéral. A la fin du XVI' siècle, les guerres détournèrent l'attention des eaux ; mais , dès le commencement du XVII' siècle, nous voyons qu'on leur consacre un poème en

vers latins ("') immédiatement traduit en vers français (1613), puis en allemand (1739) Est locus in Rhlis vasto mirabilis antro, Antrum muscosis introrsum rupibus horret...

L'affluence des baigneurs était telle que, de 1535 à 1785, on ne connaît pas moins de 39 descriptions dis(') Paracelse n'est, dit-on, que la traduction de llohenliebr heim; celsus, hoch). Paracelse était né à Einsiedeln, en Suisse.

() Ce poème est de CharlesPaschal (ambassadeur de Henri IV dans les Grisons) et intitulé : In Faharice Thomas.

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tinctes des eaux, écrites à leur usage. Mais aucun événement capital ne s'y passa jusqu'en 1630, époque où l'on se décida à transporter les eaux et l'établissement hors de cette gorge si difficilement accessible, au point où se trouve encore aujourd'hui l'établissement de Pfalers.

On fut amené à cette résolution par une série de

malheurs successifs. Des deux maisons de bois construites

auprès des sources, la supérieure fut complètement détruite en 1625, par la chute d'une énorme pierre l'inférieure fut réduite en cendres par un incendie, le 3 décembre 1629. L'hiver précédent, en 1628, le maître baigneur Johann Risch , profitant des basses eaux de décembre, était parvenu, non sans danger, à descendre la gorge jusqu'à sa sortie, dans le lit même de la Tamina, et avait constaté qu'on arrivait ainsi à un endroit découvert, propre à la construction d'un établissement. Le 16 décembre 1629, aussitôt après l'incendie, on se mit à l'oeuvre et, dans le courant de l'hiver, on établit, sur toute la longueur de la gorge, depuis la source, une passerelle en planches maintenue par des solives encastrées dans le rocher, passerelle sur laquelle on posa une conduite de troncs de bois creusés à l'intérieur (t). Le travail fut difficile, car on ne pouvait s'appuyer sur rien et le grondement de l'eau ne permettait pas de s'entendre ; néanmoins, le 19 mai 1630, tout était achevé et l'eau chaude arrivait dans le nouvel établissement, qu'on avait commencé à construire en même temps. Alors, dit un

(*) La passerelle actuelle ne date que de 1859. On trouve une vue perspective de la conduite d'eau depuis la source jusqu'à l'établissement de Pliefers en 1642, dans un curieux ouvrage de Marlin Zeiller et Merian : Topographia Helvelic ,

Rhadia, et Valesi. (Voir, sur ce Martin Z-dller, Paul Zeiller, Annuaire du Club Alpin de 1887). Nous-même avons clans la Nature du 13 janvier 1894, deux dessins figurant publié, les bains de Pfiefers au XIlle et au XVIle s ècle.