Annales des Mines (1881, série 7, volume 19) [Image 129]

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ÉLOGE DE VICTOR REGNAULT.

ÉLOGE DE VICTOR REGNAULT.

sipe quand la respiration s'arrête, et, il y a près de quatre mille ans, les poètes de l'Inde considéraient déjà la chaleur comme le principe de la vie, et le refroidissement comme l'indice de la mort. Les études considérables entreprises sur la respiration par Regnault, avec le concours de son savant collaborateur M. Reiset, ont porté la lumière sur ces intéressantes questions. Leurs prédécesseurs s'étaient con. tentés d'étudier le phénomène sur des animaux gênés dans leurs allures. Pour la première fois, ceux-ci furent placés dans un récipient où leurs habitudes étant respectées, ils pouvaient y séjourner indéfiniment. L'air y était renouvelé par d'ingénieux mécanismes dont on ne pourra plus se dispenser de faire usage désormais. Les oiseaux, les mammifères, les reptiles, les insectes, offrent dans leur respira. tion des différences que les deux éminents observateurs ont mesurées. Les animaux à l'état de repos ou de sors. meil, nourris abondamment ou soumis à un jeûne prolongé,

les animaux hibernants eux-mêmes ont été comparés. Dans l'état d'hibernation, la température du corps étant descendue à i2°, la respiration s'abaisse à des quantitésà peine appréciables, et, loin de diminuer, le poids du corps

augmente. Quelle serait la durée de la vie dans ces condi. tions de torpeur qu'ont traversées peut-être certains mammifères de l'époque glaciaire? C'est ce que nous ignorons;

mais, d'après ces résultats, on peut présumer qu'elle serait

longue, la dépense étant réduite alors à sa plus

simple

expression.

Regnault , que ses importantes recherches de chimie avaient désigné, dès i 84m, an choix de l'Académie, en remplacement de Robiquet, avait été bientôt appelé monter dans la chaire de Savart et d'Ampère, comme professent- de physique au Collège de France. Prenant pour

texte de ses premières leçons les questions les

plus pro-

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fondes de l'optique, il ouvrait ainsi cette série de cours où la hauteur des vues le disputait à la sûreté des démonstra-

tions et à la ferme clarté du langage. Menant alors de front les travaux du laboratoire et les devoirs du professeur, il renouvelait la science. Entouré de jeunes maîtres heureux de se voir associés à ses recherches, il animait de son ardeur des savants français : MM. Bertin, Reiset, Jantin, haro, Descos ; des professeurs étrangers : MM. Soret, Bede, Blaserna, Lubirnolf, Pflaunder et sir William Thomson, l'il-

lustre physicien écossais. Les enseignements qu'il leur prodiguait dans la chaire par la discussion sévère des principes, au laboratoire par l'habile exécution des expériences, et dans la conversation par les vives improvisations d'un esprit sans préjugés, ouvert et libre, avaient transformé son amphithéâtre en une véritable académie où planait la statue de la Vérité, et ses leçons, dont tout culte de l'imagination était banni, en un cours de physique supérieure, sans précédent en France. Pendant les dernières années de sa vie, il revenait avec persistance sur ces souvenirs glorieux et chers. Il mettait sous nos yeux la sténographie de ces cours, embrassant le

champ presque entier de la physique. Il aurait voulu en assurer la publication, persuadé que l'originalité du plan et la nouveauté des détails pouvaient rendre service à la science. Mais, ce plan et ces détails ayant transpiré dans les ouvrages classiques, il partageait le sort de tous les professeurs de l'enseignement public, qui donnent à l'auditoire

le meilleur de leur vie et dont les idées, s'infiltrant de proche en proche, font si bien oublier leur origine que, sils en réclament la paternité, on les prend pour des plagiaires.

Les travaux de notre confrère sur diverses questions de physique forment la matière de cinquante mémoires, pleins

de chiffres et de résultats. Ils auraient suffi pour remplir la vie de plusieurs savants, et ils n'étaient cependant que