Annales des Mines (1881, série 7, volume 19) [Image 130]

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ÉLOGE DE VICTOR REGNAULT.

ÉLOGE DE VICTOR REGNAULT.

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le prélude de ceux par lesquels il devait marquer sa puis. saute originalité.

mathématiques supérieures d'en élever le monumeat défi-

Depuis que la machine à feu est devenue un instrument universel, prenant partout la place des forces trop inter-

bord à l'esprit des administrateurs. Le gouvernement, chargé de surveiller les machines à vapeur et d'en prévenir les dangereuses explosions, s'était contenté de demander à l'Académie de l'éclairer sur ce sujet restreint. Arago

mittentes ou trop coûteuses de l'eau, du vent et des moeurs animés, tous les efforts des ingénieurs avaient eu pour but de faire produire à la vapeur le maximum d'effet avec le minimum de dépense. On ne tarda point à reconnaître que le problème resterait insoluble tant que des résultats scientifiques certains n'auraient pas pris la place de l'empirisme. Il serait difficile d'imaginer une question plus digne de

l'attention du savant ou de l'ingénieur et de l'intérêt de l'homme d'État. Les machines à feu se multiplient ellesmêmes et constituent ainsi une population de fer et d'acier dont rien n'arrête l'expansion. Le travail qu'elles produisent déjà dépasse celui de tous les ouvriers de l'espèce humaine, L'arillée, la marine, l'agriculture, l'industrie, le commerce,

l'art des constructions, c'est-à-dire la défense du pays, l'alimentation publique, le travail national, les moyens de transport, sont également intéressés à la bonne exécution et au meilleur service des machines à feu. Papin, Watt, les créateurs de ces géants dociles, qui ont doublé, en moins d'un siècle, la population active du globe, avaient considéré le problème en mécaniciens. Appliqués à constituer les organes matériels des nouveaux moteurs et à garantir leur jeu régulier, ils n'avaient pas essayé de remonter au ressort caché qui leur communique le souffle et la vie. Ils avaient donné au monstre des os et des muscles de dur métal ; ils n'avaient pas pénétré le secret de ce feu qui en déploie les membres formidables par sa transformation en travail mécanique. Il était réservé à Regnault de poser les bases de cette physiologie nouvelle, et à la science des

nitif.

Cette question fondamentale ne s'était pas présentée d'a-

et Dulong avaient institué les expériences nécessaires. Une longue colonne mercurielle, destinée à la mesure exacte

des pressions, avait été établie, en 8o2 L, sur leurs plans et avec le secours de l'habile artiste Fortin, dans toute la

hauteur de la tour, dite de Clovis, dépendant du lycée Henri 1V. Mais, à peine avaient-ils répondu à la question de police industrielle soumise à l'Académie, qu'on se hâtait de détruire tous leurs appareils, dont la présence, disaiton, menaçait la tour d'une ruine imminente. Les noms retentissants d'Arago, de Dulong, de Fortin ne suffirent pas pour protéger contre la décision de quelque subalterne commis les expériences projetées pour étudier le mode de génération de la vapeur ; elles se trouvèrent ajournées à des temps meilleurs par cet acte de vandalisme. Le. problème devait être posé de nouveau par le ministère des travaux publics, mieux inspiré, et Regnault, seul, cette fois, physicien, chimiste et mécanicien, tout ensemble, fut chargé de déterminer « les principales lois et les données numériques qui entrent dans le calcul des machines à vapeur » , c'està-dire de fournir aux ingénieurs les moyens de les perfectionner avec certitude, par des combinaisons réfléchies et non par des essais livrés au hasard. Au commencement du siècle, il fallait consommer plus de trois kilogrammes de houille par heure, pour produire la force d'un cheval; aujourd'hui, un kilogramme suffit. Comment nier l'importance de telles études qui, sans accroître la dépense, mettent à la disposition des nations civilisées des millions et des millions de travailleurs de plus ?