Annales des Mines (1881, série 7, volume 19) [Image 124]

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ÉLOGE DE VICTOR REGNAULT.

ÉLOGE DE VJGTOR REG N A L11.1

trait à la chimie publiés par Regnault, ce n'est pas de côté, en effet, que le tour de ses idées le dirigeait. C'est ce

par des travaux de précision comme physicien, et non par des inventions comme chimiste, qu'il a mérité la grande place que l'histoire de la science contemporaine lui assigne

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sation la lumière, la chaleur, l'électricité, ces forces si longtemps insaisissables, dont nous exploitons la puissance, et dont nous mettons volontiers en oubli l'idéale beauté, à laquelle les premiers hommes rendaient surtout hommage.

et que la postérité lui ratifiera.

En notre temps positif, hélas! Apollon, fils de Jupiter, dieu de la poésie et des arts, dont le char, précédé par l'Aurore, parcourait la courbe des cieux pour disparaître

La transition entre les études de pure chimie qui l'avaient occupé jusqu'alors, et les travaux de physique

enflammé dans le sein des flots, ne conduit plus le sublime Choeur des Muses : descendu de l'Olympe, il vient donner

auxquelles il semblait prédestiné, s'opéra d'une manière accidentielle. Conduit à s'occuper, comme chimiste, des chaleurs atomiques, Regnault ne songeait pas à changer de carrière; cependant, entraîné par une pente naturelle,

le mouvement et la vie à l'atelier du photographe ou aux presses de Gutenberg, et nous le verrons même bientôt contraint à faire auprès de nous l'office de serviteur universel. Lorsque Prométhée, fils de Junon, dérobait le feu du ciel pour en faire l'âme modeste du foyer domestique, il ne prévoyait pas que ce feu, engendrant la vapeur, deviendrait, sous la main d'un humble chauffeur, l'agent hautain, bruyant et formidable, qui dompte les mers, supprime les distances et livre la terre soumise à toutes les

il se consacra tout entier à l'étude de la chaleur, et il étonna bientôt le monde savant par l'abondance des résultats précis dont il enrichit cette branche de la physique. Mais aussi quel sujet plus beau d'étude il y a quarante ans ! La science et l'économie politique réclamaient alors l'examen approfondi de la chaleur, comme elles réclament aujourd'hui l'étude pratique de la lumière et celle de l'électricité. D'où viennent donc, en ce siècle qui semble l'es. clave de la matière et des sens, de telles préoccupations au sujet des forces, c'est-à-dire des conceptions les plus pures de l'intelligence, sinon du contraste entre les anciens moyens d'action de l'homme et les nouveaux? Le génie civil ouvre les montagnes, construit de gigantesques viaducs, franchit les détroits, détourne les fleuves, impose des digues aux flots de la mer, et perce les isthmes. Ces monuments ne font pas oublier, cependant, les restes imposants que les civilisations antiques ont laissés en souvenir de leur passage sur la terre. Dès l'origine de sociétés, l'Inde et l'Égypte réalisaient des prodiges que DOW surpassons à peine. Mais si l'antiquité connaissait l'art de tirer parti des forces de l'homme ou des moteurs animés, elle a ignoré l'art plus délicat d'asservir aux besoins de la civili-

énergies de l'activité humaine. L' électricité, dont les éclairs,

la foudre et les orages, éclatant sous la main du maître de la voûte étoilée, avaient seuls révélé le pouvoir, descend sur la terre à son tour et se plie maintenant à toutes nos volontés. Sous sa forme inquiétante et magique, elle met en fusion, volatilise ou décompose les matières les plus réfractaires, éclaire nos phares et nos rues, donne le mouvement aux machines, rappelle sur les cadavres les actions éteintes de la vie, et porte au loin la pensée et même la parole, plus rapide en son vol que la messagère des dieux ! Voilà pourquoi la chaleur, la première de ces forces dont

on ait tiré parti, provoque, depuis près d'un siècle, une vive attention. Quant à sa nature, on a longtemps hésité. Fallait-il y voir une matière subtile pénétrant les corps, les gonflant, ainsi que l'eau absorbée par une éponge et s'éçhp,ppant quand ils se refroidissent et se contractent, comme