Annales des Mines (1880, série 7, volume 18) [Image 111]

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ÉTUDE DES MOYENS PROPRES A PRÉVENIR

et le charbon pulvérulent était retrouvé froid comme glace, même au bout d'un certain temps.

Cette dernière circonstance tendrait à répondre à l'une des objections que l'on a élevées contre l'hypothèse de l'état non gazeux du grisou, à savoir l'énorme refroidissement qui semblerait devoir accompagner la volatilisation de pareilles quantités de matière. Mais du reste M. l'ingénieur des mines Vicaire a fait observer que certaines substances , dont les plus caractéristiques prennent le nom d'explosifs, au lieu de produire du froid par leur gazéification, développent au contraire une énorme quantité de cha-

leur. M. Vicaire ne serait même pas éloigné de croire à priori que certaines houilles peuvent se rapprocher plutôt de cette nature. Il fonde cette opinion sur ce que leur combustion donne plus de chaleur que n'en peut produire

un poids égal de carbone et d'hydrogène.

Il rappelle

aussi qu'à Saint-Étienne on a vu des cylindres de houille

comprimée et chauffée pour la production des agglomérés devenir d'eux-mêmes subitement incandescents, lorsque leur température atteignait progressivement un degré déterminé.

19. Pression dans la houille. - Quoi qu'il en soit de cette manière de voir, il est certain que le gaz sort du massif avec tous les indices d'une pression en général sensible et qui parfois peut devenir énorme. Lorsque le dégagement du grisou est un peu abondant à un front de taille,

une oreille attentive le perçoit facilement par un petit bruissement particulier que les mineurs appellent le chant du grisou. On dit aussi que le gaz frise. On peut comparer ce bruit à celui de la pluie ou encore d'une bouilloire pendant les instants qui précèdent la mise en train de l'ébullition. Ce phénomène est produit par le décrépitement d'une multitude de parcelles de houille détachées par la pression

LES EXPLOSIONS DU GRISOU.

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des bulles de gaz qui tendent à s'échapper des pores du combustible. Cette circonstance est analogue à ce qui se passe lors de la dissolution du sel gemme dans l'eau. Ce minéral

renferme lui-même un gaz à peu près identique au grisou de la houille, et lorsque l'épaisseur des parois vient à s'affaiblir au point de ne pouvoir résister à la pression intérieure, celle-ci fait éclater cette paroi. D'autres indices mettent d'ailleurs en évidence la pression du grisou. On voit certaines houillères dont les fronts de taille se gonflent, se gauchissent et éclatent ou s'exfo-

lient. Parfois les piqueurs établissent pour la nuit un troussage avec des étais et des planches pour éviter que le gonflement ne fasse éclater la houille en petits morceaux (1). Dans certaines exploitations du Borinage, les ouvriers s'abstiennent de hâver sous le charbon, pour ne pas offrir une surface de plus à l'issue du gaz. Ils aiment mieux le garder comme auxiliaire en attaquant en face un

Iront de taille qu'il tend par derrière à pousser au vide. M. Goret a constaté, en 1862, à la mine de Boubier, près Charleroi, un éboulement de ho mètres cubes de charbon qu'il a regardé comme produit par le grisou (2) . On ne saurait trop insister sur ce genre de danger, car si le grisou a la puissance de produire de tels effets, il met subitement

à. nu par l'éboulement et la fragmentation qui en est la conséquence une surface énorme qui répandra une quantité de gaz d'autant plus abondante que la pression était plus forte. On pourrait dire en quelque sorte, pour rendre la pensée, que l'effet nuisible instantanément développé sera en raison du carré de cette pression. M. Chansselle, ayant entrepris en 1867 de maintenir par un radier de om,60 d'épaisseur une sole grisouteuse, a vu (i) RENIER-MALHERBE : Du Grisou, 1862.

(2) A. BURAT : Encyclopédie des sciences, des lettres et des arts, page 206.