Annales des Mines (1879, série 7, volume 15) [Image 286]

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LA MÉTALLURGIE 552 froidissement lent, surtout si elle a été finie chaude au laminoir, une texture à grain plus ou moins gros que la trempe et le recuit ne ramènent pas toujours complétement au nerf. Dans ce cas, le fer au bois, tout en conservant une résistance et un allongemer,t élevés à l'essai par traction, se fissurera ou se fendra au tir presque

comme le fer au coke : conséquence encore ici d'une mobilité moléculaire acquise par l'échauffement à une température voisine du point de fusion (1. Qu'on applique les observations qui précèdent aux nombreux produits en fer soudé qui sortent encore des forges, et l'on admettra avec nous qu'il y a, pour cette première sorte d'alliages ferreux, des propriétés mécaniques à froid, dont l'essai à la traction, même débarrassé de ses nombreuses chances d'inexactitude, ne saurait donner la mesure. Si ces aperçus sont vrais pour les produits soudés, ils ne le sont pas moins pour les alliages fondus. La fusion, quelle que soit la nature de l'alliage, produit, et plus marqués, les mêmes effets que le surchauffement dont il vient d'être parlé, c'est-à-dire une mobilité moléculaire qui explique les altérations de ces métaux, bien connues des consommateurs qui ont eu à les travailler à froid comme à chaud. Sans doute, par des martelages et laminages à températures appropriées à la nature de chaque sorte d'alliage fondu ; en s'aidant surtout de trempes et recuits convenablement gradués ; souvent même, avec des métaux simplement moulés après fusion, puis trempés et recuits, on obtiendra, à l'essai par traction sur les pièces finies, des résistances et allongements qui les feraient classer parmi les meilleurs matériaux, si l'on n'avait à craindre les effets ultérieurs des chocs, vibrations, etc. Les différences qu'à cet égard nous avons constatées ci-dessus entre les fers purs et les fers phosphoreux, siliceux, terreux, etc., entre les fers de fonte au bois et les fers de fonte au coke, s'accuseront, à n'en pas douter, si l'on compare les aciers purs et homogènes fondus au creuset, où l'on trouve, en dehors du fer et du carbone, à peine quelques traces de matières étrangères, et les alliages multiples si variés qu'on tire aujourd'hui du Bessemer et de la fusion sur sole.

Bornons-nous à citer, à l'appui de ces observations, quelques faits que nous avons pu constater plus d'une fois. (*) Notons bien que dans tout ceci, nous -visons du fer simplement surchauffé, mais non pas brûlé, : dans ce dernier cas, l'essai par la traction luimême accuse l'altération du métal, altération à la fois chimique et physique.

A L'EXPOSITION DE 1878.

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Dans le tréfilage, on parvient, avec les aciers purs fondus au creuset, même d'un degré élevé de carburation, à préparer des fils de u millimètres et moins de diamètre qui conservent, avec une très-haute résistance à la rupture, une flexibilité remarquable ;

au contraire, avec des aciers sur sole ou Bessemer, moins carburés, mais chargés de doses de manganèse variant de 4 à 8 ou Io millièmes, et tenant toujours des traces plus ou moins fortes de silicium (1 à i millième 1/2), on arrive bien à conserver de hautes résistances, mais toujours moins de souplesse et de flexibilité, toutes autres conditions restant égales d'ailleurs. Les bandages en acier usités dans les chemins de fer sè sont faits tantôt en aciers fondus au creuset et tantôt en aciers Bessemer ou fondus sur sole. Or, tandis que, même un peu durs, les premiers

ont souvent fait excellent usage, les seconds, même à degré de dureté moindre, ont souvent manqué en cassant après un certain roulement. De même, les ruptures subites d'essieux en acier ont fait hésiter plus d'une compagnie de chemins de fer à les adopter. N'est-il pas probable que ces ruptures subites, pour des produits qui avaient d'ailleurs satisfait aux épreuves à la traction, sont le résultat de l'altération moléculaire que nous étudions, d'autant plus marquée que les aciers sont moins purs! Enfin, dans les essais récents de substitution des plaques de blindages en métal fondu aux plaques en fer doux soudé, nous pourrions citer des alliages fondus à 1 1/2 à 2 millièmes de carbone,

1 à iV, de silicium, 2 à 5 millièmes à peine de manganèse et pas traces d'autres éléments : laminés en plaques épaisses, qu'on trempait et recuisait de façon à obtenir à la traction sur des barreaux

de prise d'essai, des résistances et allongements en tout comparables à ceux des fers les plus doux, ces alliages, tout en résistant mieux que le fer à la pénétration des projectiles, se fissuraient et se fendaient considérablement plus. Les applications des alliages fondus à de grosses pièces destinées à supporter des chocs pareils ne sont pas fréquentes : bien certainement, l'instabilité moléculaire que nous avons voulu mettre en évidence par les observations qui précèdent n'est pas à redouter au même degré dans la plupart des objets de moindres dimensions, qu'on fabriquera même avec des alliages ferreux fondus de composition un peu complexe. Nous n'avons voulu qu'appeler l'attention sur la nécessité de compléter les essais à la traction par des épreuves spéciales, qu'on pourrait appeler épreuves d'écrouissement, si l'on veut mettre à leur véritable rang, dans la TOME XV, 1879.