Annales des Mines (1879, série 7, volume 15) [Image 285]

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LA MÉTALLURGIE 550 déterminer que celles sur lesquelles sont fondées les classifications qui figuraient, soit à Paris en 1878, soit à Viemre, soit à Philadelphie, quelques années avant, et même déjà à Paris en 1867, c'està-dire : limite d'élasticité, résistance à la rupture, allongement p. 100 de la longueur primitive du barreau d'essai. Quelle que soit la base qu'on prenne, la classification par les essais à la traction présente des inconvénients qui ont été signalés par beaucoup d'expérimentateurs, et que, dans un livre excellent,

M. Lebasteur a analysés récemment avec beaucoup de sagacité (*),

en montrant quels soins il convient d'apporter dans des expériences, si simples en apparence, pour obtenir des chiffres exacts et surtout comparables entre eux. Mais, à supposer qu'on parvienne à ces chiffres exacts et comparables entre eux, le classement des qualités à l'épreuve à froid par traction, sur un barreau d'essai, présente d'autres défauts encore plus graves. D'abord, on n'est jamais sûr que ce barreau, de dimensions réduites, tiré d'une pièce plus ou moins volumineuse, qui a souvent subi inégalement l'action de la chaleur, dont les diverses parties ont été plus ou moins travaillées mécaniquement, on n'est pas sûr que ce barreau représente bien la qualité moyenne de cette pièce. En second lieu, l'essai statique par traction ne rend pas assez compte de la façon dont le métal se comportera à l'état

dynamique, c'est-à-dire quand ses molécules seront soumises à des chocs ou à des vibrations suffisamment intenses. Peut-être, en multipliant les prises d'essai, c'est-à-dire le nombre de barreaux pour

une même pièce, on peut amoindrir le premier de ces deux défauts; mais le second est plus sérieux. Citons quelques exemples qui en montreront bien la portée. Prenons d'abord le cas du fer doux Chacun sait que certaines barres, résistant parfaitement et avec allongement même considérable à l'essai par traction, donnent, au contraire, au choc, des résultats plus que médiocres; souvent il suffit d'une entaille légère sur une barre de cette sorte pour ensuite, sous un choc très-modéré, déterminer la rupture au point entaillé. Ces faits ne s'observent pas seulement sur des fers phosphoreux, comme on l'a dit quelquefois, nous les avons constatés souvent sur certains fers retenant s ou 3 millièmes de silicium et 1 ou s millièmes de carbone, et peut-être des traces indosables de (*) Les métaux à l'Exposition universelle de 1878 (Paris, Dunod, éditeur), par M. Lebasteur, ancien ingénieur de la marine, ingénieur de la compagnie des chemins de fer Paris-Lyon-Méditerranée.

A L'EXPOSITION DE 1878.

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métaux terreux, de soufre et de phosphore, comme on en obtient par le puddlage de fontes blanches ou truitées, faites au coke et à l'air chaud, avec des minerais alumino-siliceux. 11 Semble que ces fers ou ces alliages ferreux possèdent, si l'on peut ainsi parler, une mobilité moléculaire qui les rend particulièrement faciles à écrouir ; le point de la barre sur laquelle se donne le coup de ciseau ou de burin, pour faire la légère entaille dont il vient d'être parlé, détermine là un écrouissement local, c'est-à-dire la fragilité qu'on observe souvent au plus petit coup de marteau. Un fait analogue, quoique d'un ordre différent, s'observe dans la fabrication des plaques de blindage pour navires de guerre. Ce que l'on a surtout demandé jusqu'ici à ces produits, c'est de résister au choc des projectiles sans se fendre ni se fissurer. Un fer doux, donnant le maximum d'allongement à l'essai par traction est la matière première qui, si la plaque est convenablement soudée d'ailleurs, semble la mieux appropriée au but qu'on se propose. Or, qu'on prenne ce fer le plus doux, le plus ductile, mais qu'au lieu de le préparer avec des fontes au bois faites avec des minerais purs, manganèses, on l'ait tiré de fontes au coke et à l'air chaud, même faites avec les mêmes minerais, on s'exposera à des échecs à peu près certains au tir d'essai. Et cependant, non-seulement l'épreuve à la traction donnait, pour les deux fers, des résultats à peu près identiques, mais encore l'analyse chimique ne constatait dans le second que des traces un peu plus sensibles de matières étrangères. Mais un fait semble constant : le fer de fonte au coke à l'air chaud paraît moins réfractaire que le fer de fonte au bois, à égalité de soins dans l'affinage. Étant données la haute température et la longueur du réchauffage que doivent supporter ces énormes paquets (de 2 à 5 mètres cubes et plus) avant d'aller au martelage ou au laminage, on conçoit que la différence de réfractibilité se traduise, pour la plaque en fer au coke, après refroi-

dissement, par une texture d'un grain cristallin grossier (grain de fer écroui). La trempe et le recuit qui suivent le laminage ou le martelage de la plaque pourront bien ramener ce grain au nerf, tout comme dans la plaque en fer au bois; des barreaux d'essai à la traction, pris dans le sens du laminage, pourront bien donner encore les mêmes résultats dans les deux cas ; mais au tir, on peut

être à peu près sûr que la plaque au coke se comportera moins bien que la plaque au bois. Le fer au bois lui-même n'échappe pas à cette sorte d'écrouisse-

ment par la chaleur. Si l'on a, surtout dans les plaques de forte épaisseur, chauffé trop fort, la masse de la plaque prend par re-