Annales des Mines (1877, série 7, volume 11) [Image 200]

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ELOGE D'ALEXANDRE BRONGNIART.

ÉLOGE D'ALEXANDRE BRONGNIART.

leur identité avec les couches du sol de Paris, et il établit ainsi, sur des faits certains, la vaste étendue occupée parles

terrains tertiaires qu'un habile observateur vient de

re-

trouver même en Australie. Cuvier et Brongniart s'étaient partagé le soin de rétablir les annales du passé : le premier, anatomiste incomparable, en recomposant les animaux supérieurs dont la terre avait éte peuplée ; le second, géologue profond, en donnant aux fossiles la valeur de titres authentiques déposés dans les couches de l'écorce terrestre pour en constituer l'état civil. On n'a rien ajouté aux règles empruntées à l'anatomie comparée, dont Cuvier avait découvert l'heureuse application, et tous les jours on parvient à rétablir, à son exemple, la charpente d'un animal au moyen de quelques ossements isolés et à refaire son histoire. Les formules données par

Brongniart continuent à indiquer, malgré l'éloignement des lieux, les formes variées des montagnes et les diversités des terrains, comme étant d'une date relative idem tique, les couches sédimentaires qui présentent un grand nombre de fossiles doués d'une ressemblance générale, et, comme étant d'époques distinctes, celles dont les fossiles diffèrent. Dans ces découvertes qui caractérisent une époque scien-

tifique, rien ne fut donné par le hasard. Cuvier s'appuie sur un principe philosophique : toutes les parties d'un être ont des relations mutuelles, dont le but est d'assurer son existence ; chaque être, ayant une fonction propre,

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avaient été construits en conséquence, pour le rendre habile à reconnaître, à poursuivre, à saisir une proie et à s'en rendre maître. S'il n'en eût pas été ainsi, comment cet animal aurait-il pu subsister? Ce que ne dit pas cet exemple -familier, c'est l'immense étude de la forme des organes des animaux et la connaissance intime de leurs rapports qui donnaient à Cuvier cet instinct délicat et prompt mis au service de la paléontolo-

gie. Un fragment osseux était-il placé sous ses yeux, sa pensée rétablissait sur-le-champ le membre dont il avait fait partie, rattachait celui-ci au squelette auquel il avait appartenu, et son crayon sûr traçait les contours de quelque animal fantastique, qui semblait renaître sous sa main puissante, après des milliers de siècles d'oubli dans son enveloppe de pierre. La noble figure de Cuvier, toujours

imposante, restée calme, au milieu des assistants vivement émus, représentait le génie de la synthèse, accomplissant sans effort son oeuvre presque divine. Après avoir reconstitué vingt-trois espèces de quadrupèdes fossiles inconnus à l'état vivant, Cuvier n'hésite pas à conclure qu'on trouve, sous le sol de tous les pays, des os presque toujours différents de ceux des animaux qui en ha-

bitent aujourd'hui la surface. Mais les ossements de ces grands animaux, qui pour vivre avaient besoin d'un large domaine, sont naturellement rares; on peut remuer toute une carrière sans en rencontrer la moindre trace ; et, si leur présence peut caractériser les terrains qui les renfer-

doit avoir des formes en rapport avec cette fonction ; la loi des conditions d'existence étant admise, un fragment de l'une des parties caractéristiques d'un animal en fait con-

ment, elle ne saurait fournir le moyen d'en déterminer pratiquement la date géologique.

naître la classe, l'ordre, la famille, le genre, l'espèce, et apprend même sa manière de vivre. Une seule dent d'un animal qui se nourrit de chair suffit à prouver que ses organes digestifs avaient été disposés pour cette sorte d'ali-

coquilles fossiles connues ; il les compare avec les coquilles

ments. Ses organes du mouvement et ses organes des sens

Brongniart, plus heureux de ce côté, étudie toutes les actuelles. Certaines espèces vivent dans l'eau salée; d'autre;, dans les eaux douces ; d'autres enfin dans les eaux saumâtres et, de leur présence, on peut déduire dans quelles conditions s'est formé le sédiment qui les récèle. Les restes