Journal des Mines (1811, volume 30) [Image 204]

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SUR UNE FORT SOUS-MARINE. surprise fut extrême, lorsqu'au- lieu d'un sable éblouissant je trouvai un terrain noir et labouré- par, de longs sillons. J'examinai Ce terrain avec attention, et je ne tardai pas à reconnaitre les traces de la plus longue et de la plusancienne

végétation. La mer avait emporté le sable. .Ce sol., ordinairement si uni présentait des ravins pro-

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fonds qui me donnaient les moyens d'observer les différentes

couches qui le composent. La première variait d'épaisseur en raison des dégradations que la mer lui avait fait éprouver. File était entièrement composée de détritus de végétaux. Les feuilles d'une plante aquatique y sont très-abondantes et les mieux conservées ; elles sont presque à l'état naturel. J'ai 'obtenu qu1ques feuilles assez distinctes d'ai.bres:' forestiers et de saule. ..La terre qui forme le sol ayant été expo,ée aux influences.alternatives de la pluie

et du soleil, s'est gercée , fendillée, et j'y ai trouvé des

fragmens d'insectes très - bien conservés : une chrysalide entière , la partie inférieure .d'une mouche avec son aigui

Sur la couche noire et Compacte dont il s'agit, on voyait 'des arbres entiers renversés dans tous les sens ; ils sont peur la plupart à l'état de terre d'ombre; cependant les noeuds, en général, on conservé de la Consistance, et la qualité dès bois est très-reconnaissable, L'ifa conservé sa couleur, ainsi que le chêne et surtout le bouleau qui s'y rencontre en grande abondance ; il a conservé son écorce argentée. Le chêne prend promptement à l'air une teinte noire très-foncée et acquiert de la dureté ; desséché, il brûle avec-une Odeur fétide. J'ai obtenu des mousses vertes comme dans leur état de végétation. Cette même couche, reste de la plus forte végétation-, est

superposée à un sol qui me semble avoir été une prairie ; j'y air trouvé des roseaux, des racines de jonc, des asperges; toutes les plantes sont en place ; leur tige est: perpendiculaire: pris des racines de fougères qui ont encore le duvet qu'elles

perdent ordinairement au moment où leur végétation cesse. Le sol de la prairie dont je viens de parler est un composé de sable et de glaise grise ; il se prolongé très-avant clans la mer ; j'en ai retiré des joncs qui avaient encore leur substance médulaire ; mais à cette distance il n'y a plus de vestiges de là forêt, et j'ai retrouvé le toc vif. C'est aux pointes que ce roc présente, et à la résistance qu'il oppose aux efforts

y

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391 SUR UNE PORT SOUS-MARINE. de la mer, qu'on doit la conservation de ce qui reste de la forêt. Ne retrouvant plus de traces dt la forêt, en avançant vers la mer, je la suivis , en revenant sur mes pas , jusque sous la ,digue de galets dont j'ai déjà parlé , et j'acquis la certitude qu'elle se prolongeait sous les pierres. Mais je remis , au premier beau jour, à venir suivre cette découverte, nie promettant bien alors de rapporter (à dos de chevaux ) , une .gbondante collection d'échantillons. Je revins effectivement avec tout ce qui était nécessaire pour la récolte que je me proposais de faire, mais je ne retrouvai plus de forêt ; le changement de décoration était Complet, j'en croyais à peine mes yeux. Le beau sable blanc avait recouvert le sol. Je fis creuser, je trouvai un if ou un cèdre d'une grande dimension, dont j'emportai un morceau considérable; il était du plus beau rouge et assai tendre pour

être coupé à la bêche , mais il perdit bientôt sa couleur et

.acquit de la consistance. Je poursuivis ma recherche sous les galets, j'y retrouvai les bois, les feuilles beaucoup mieux conservés que dans la grève. Je rencontrai, pour première assise, une glaise ferrugineuse extrêmement compacte, contenant des morceaux de minerais ; je ne- doute point que ce lie soit la gangue de mes agates ; sa couleur est généralement d'un beau jaune. Mais je fus bientôt obligé de me retirer, la iner vint substituer son travail au mien, et dans un instant tout celui d'une journée fut nivelé. Je poursuivis mes recherches sur une étendue de grève d'environ sept lieues ; je retrouvai souvent le premier sol, quelquefois le second, et presque Sur toute cette étendue, la preuve de l'existence d'une immense forèt. Faute d'une tarriè.re , il m'a été impossible de faire des recherches plus exactes. Une particularité assez remarquable , c'e.st que parmi les débris de cette forêt apportés sur la grève ,rj'y ai trouvé la moitié d'un coco. Je nie propose, cet été, de faire d'autres recherches sur les lieux, et je ne manquerai pas de vous instruire de leur résultat.

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