Annales des Mines (1869, série 6, volume 15) [Image 23]

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NOTICE SUR P. BERTHIER.

déduire, soit dans le domaine de la théorie, soit dans celui des applications. Cette rare perspicacité se fait remarquer dans les nombreux mémoires qu'il a publiés, même les moins considérables, aussi bien que dans son Traité des

essais par la voie sèche. D'une analyse ou d'un sujet

en apparence insignifiant, il fait souvent jaillir, et en trèspeu de mots, des considérations d'un ordre élevé et d'un intérêt inattendu. La portée que ce savant sut ainsi donner à la plupart de ses travaux, en forme comme le trait caractéristique, et lui imprime une physionomie à part, parmi les chimistes les plus éminents qui se sont occupés d'analyse, tels que Klaproth et Vauquelin. Cette abondance et cette ampleur dans les conséquences auxquelles Berthier sut arriver, résultent encore du savoir aussi solide et exact que profond et varié, qu'il avait puisé à l'École polytechnique, et sur lequel il s'appuie toujours pour peser, comparer et discuter les faits fournis par l'observation. Berthier était d'une taille un peu inférieure à la moyenne.

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peut citer Arago. La sûreté de son commerce était à toute épreuve.

Extrêmement gai dans les réunions intimes, s'il était bienveillant et affectueux avec certaines personnes simples

et modestes, il avait une tout autre manière d'être avec celles qu'il supposait prétentieuses. Il s'abstenait de prendre la parole dans les réunions officielles ou savantes : une timidité, à laquelle un peu de fierté se joignait peut-être, l'empêchait de se mettre en évidence. Quand, dans le sein de l'Académie des sciences, il était forcé de parler, ce n'était pas sans quelque émotion, et jamais pour son compte personnel. Par exemple, en 184o

quand on s'occupait de toutes parts de l'emploi de la chaleur perdue des hauts fourneaux, et qu'on paraissait tout à fait oublier, l'initiative que Berthier avait prise, à cet égard, dès 1814, c'est Arago qui dut se charger de rappeler des titres de priorité incontestables. Toutefois, il fut de très-rares occasions, où Berthier crut devoir sortir de son silence habituel. Ainsi, lorsqu'il s'agit,

Il jouissait d'une excellente constitution et parvint à l'âge

en 1829, de pourvoir à une vacance de l'Académie des

de soixante-seize ans sans aucune infirmité. Les traces de la

sciences, dans la section de chimie, pour la succession de Vauquelin, après une longue discussion, Berthier demanda la parole pour soutenir Sérullas, auquel les hommes les plus considérables avaient préféré un autre savant, et il défendit ses titres d'une manière si supérieure qu'il enleva tous les suffrages, et que beaucoup de ses confrères, notamment Fourier, vinrent à lui pour le féliciter.

petite vérole, dont sa figure était couverte, contribuaient .

NOTICE SUR P. BERTHIER.

peut-être encore à en augmenter l'expression, naturellement spirituelle, et parfois railleuse. Son esprit répondait, en effet, à cette physionomie ; sa conversation était pleine d'intérêt, de piquant, et, souvent même, de charme. Pour le plus grand nombre, il faut le reconnaître, Berthier était un homme peu sociable, à qui l'on a souvent reproché des formes cassantes et brusques, et même un abord presque bourru ; mais, comme il arrive souvent, sous cette âpreté extérieure, il cachait des qualités d'esprit et de coeur, qu'on ne manquait pas d'apprécier dans son intimité.

Il était peu communicatif, et ne cultivait de relations qu'avec un petit nombre de personnes, parmi lesquelles on

La simplicité de ses habitudes, et sa frugalité étaient remarquables. Il aimait la musique et assistait souvent à l'audition des opéras. Berthier resta célibataire, mais une vie ainsi vouée à la science ne lui laissa jamais oublier sa famille. Son affection

et son respect pour son père et sa mère se manifestèrent en toute occasion, dans le cours de son existence, et jusqu'à l'âge avancé qu'il avait, lorsqu'il les perdit.