Annales des Mines (1869, série 6, volume 15) [Image 24]

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NOTICE SUR P. BERTHIER.

La sévérité que Berthier s'appliquait à lui-Même, dans l'appréciation de ses propres recherches, le portait à user d'une rigueur pareille, dans ses jugements sur les travaux des autres. S'il agissait ainsi, c'est qu'il voyait avant tout l'intérêt de la science, devant lequel disparaissaient

pour lui toutes les Individualités. Son intégrité parfaite lui faisait ressentir une aversion profonde pour tout ce qui ressemblait à l'intrigue ; et son indépendance :se manifestait en toute circonstance. Aucune considération personnelle ne l'influençait; mais s'il ne cachait jamais .ce qu'il croyait être la vérité, même en présence des hommes qui n'étaient pas habitués à l'entendre, il faut dire aussi que son esprit d'équité était tel, qu'il savait rendre justice aux personnes. mêmes, dont il avait à se plaindre. Il était très-ferme dans les jugements qu'il portait, et il les modifiait rarement ; c'est ainsi qu'au conseil des Mines, où il apportait le même esprit de discussion que dans les expériences, il soutenait fortement l'opinion qu'il s'était une fois faite.

On ne peut voir, sans l'admirer, le dévouement avec lequel l'éminent professeur de docimasie de l'École des Mines s'est constamment consacré à toutes les exigences de ses fonctions, et, en particulier, à celles de son enseigne-

ment expérimental. Son désir d'être utile le portait même bien souvent à dépasser, de-beaucoup, les limites d'un strict

NOTICE SUR P. BERTHIER.

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La correspondance que Berthier entretenait, avec plu,sieurs de ses jeunes collègues du Corps des Mines, manifeste à chaque page, à côté de son style spirituel, un zèle ardent pour le progrès de la science, qui le porte à provoquer, de toutes parts, des recherches de bon aloi et des publications; puis une chaleureuse sollicitude et un véritable dévouement pour ceux de ses élèves qu'il en croit dignes, et dont la valeur reste rarement inaperçue à son attention clairvoyante. Il aime, soit à les appuyer auprès de ceux qui peuVent leur être utiles, soit à présager leurs succès, et, en voyant la manière dont la plupart de ses prédictions se sont confirmées on reconnaît combien son appréciation avait de justesse et de sûreté. On a vu les services considérables et variés que Berthier, sans sortir de son laboratoire, a rendus à la minéralogie, aux industries minéralurgiques, à la chimie et à l'agriculture, par ses découvertes personnelles. Il a bien mérité aussi, en propageant la science, par le cours si complet qu'il a professé, et par l'enseignement pratique qu'il donnait, avec tant de soin et de dévouement, dans le laboratoire de l'École des mines. Les élèves fiançais et Atrangers qu'il a ainsi formés, pendant plus de trente années, ont appliqué depuis lors les connaissances qu'ils lui devaient, dans les contrées les plus diverses. Le

bien qu'il a ainsi produit ne saurait être trop apprécié.

devoir. Malgré les occupations dont il était surchargé, il

Partout, au loin comme en France, il a porté avec éclat la

ne dédaignait pas de s'occuper des élèves, en dehors de son enseignement, et dans toutes les circonstances qui intéres-

renommée de l'École des mines. Vis-à-vis des élèves qu'il dirigeait, comme dans ses rela-

saient leur instruction ou leur avenir. S'il s'agissait des

tions en général, sa manière d'agir était extrêmement différente, selon l'appréciation qu'il faisait de leur aptitude et de leur zèle. De là vient qu'on a quelquefois pu méconnaître ce sentiment d'équité, qui lui faisait rechercher toujours ceux qu'il croyait les plus capables, pour les encourager et leur prodiguer ses bons avis. On peut juger, d'ailleurs, des excellents conseils qu'il

voyages d'étude, il leur traçait, de sa main, des itinéraires, où étaient signalés, avec soin, tous les faits dignes d'intérêt, qui devaient fixer leur attention ; puis, à leur retour, il ne manquait pas de lire les journaux et mémoires qu'ils

avaient rédigés, y cherchant le talent d'observation de l'auteur, ainsi que les faits nouveaux qu'il apportait.