Annales des Mines (1864, série 6, volume 6) [Image 247]

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REVUE DE GÉOLOGIE. 488 qui les attribuent à d'anciens glaciers dans la Caroline du Nord sont obligés, pour être conséquents, de supposer qu'il y avait aussi de semblables glaciers dans ces deux États, c'està,-dire sous une latitude de 3:s°. En un mot, d'après M. P. L esl e y, la structure et l'orographie des Alleghanies révèlent un cataclysme : vallées, plaines, excavations de lacs, tout a été fait du même coup, et le temps n'a laissé sa trace qu'en créant le mince manteau qui sert de support à la végétation. Mais de tous les partisans de la doctrine des causes actuelles, il

n'en est peut-être aucun qui se soit avancé aussi loin que M. Jukes ( 1).

Attachant une importance toute spéciale aux agents extérieurs, il admet que beaucoup de modifications de la surface du sol qui, jusqu'à présent ont été attribuées à des convulsions de la nature, doivent uniquement être rapportées à l'action lente et prolongée de l'atmosphère. Nous terminerons donc ce paragraphe par une analyse sommaire de ses idées sur cette question. M. Juk es observe d'abord que quelques plaines peuvent être considérées comme originaires et alors les couches qu'on rencontre au-dessous de leur surface sont horizontales; toutefois, le plus généralement, de pareilles plaines ont été profondément modifiées

par les érosions des eaux. Il en est encore de même quand les couches sont inclinées et l'auteur en cite des exemples qu'il prend en Irlande, notamment aux environs de Galway. Suivant lui, les premières collines de dénudation sont devenues de plus en plus

hautes, par suite de l'approfondissement successif des vallées voisines.

D'un autre côté, il est incontestable que la hauteur absolue des collines tendait à se réduire par la dégradation même résultant des eaux et de l'atmosphère (2).

A l'exception des volcans ou des montagnes de déjection, M. Jukes pense que toutes les autres collines ou montagnes résultent de la destruction des roches voisines. Il étend même ces idées à certaines chaînes de montagnes. Ainsi, d'après M. Juk es, l'axe géologique d'une chaîne de montagnes qui se confond avec la ligne suivant laquelle les couches les plus anciennes viennent affleurer à la surface, ne doit généralement pas être considéré comme le résultat d'un soulèvement. Il ajoute même

Quarterly Journal of the Geological Society, nov. 1862; XVIII, 373, 403. Address British Association al Cambridge. 1862. - Neues Jahrbuch 1863; 104.

Bernhard von Colla. fanera Bau der Gebirge. Freiberg,

1851.

GÉOGÉNIE.

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que l'axe orographique d'une chaîne de montagnes, qui est habituellement la ligne de partage des eaux, a souvent pour origine l'atmosphère et les agents extérieurs. Dépassant les partisans les plus hardis de la théorie des causes actuelles, M. Ju k es conteste ensuite l'existence de cratères de

soulèvement; pour lui, le relief présenté par l'écorce terrestre ne provient pas des agents intérieurs, si l'on en excepte toutefois les volcans; il serait le résultat des actions exercées par l'atmosphère, par les eaux, et en un mot par les agents extérieurs. Ce sont ces agents qui, peu à peu et pendant les énormes durées des périodes géologiques, auraient produit des phénomènes d'érosion et qui auraient amené la désagrégation mécanique ou chimique

des roches. Des écrits récents de M. le professeur Ramsay et de M. Pr estwi c h avaient déjà pour but de signaler spécialement les effets de la dénudation dans le Sud du pays de Galles ainsi que dans les vallées

de la Somme et de la Seine. M. J. B. Juk es, reprenant cet

ordre d'idées, s'avance beaucoup plus loin que tous les géologues qui l'ont précédé. Dans une étude des environs de Cork, il cherche à établir que le relief du sol résulte essentiellement de la dénudation. Puis étendant cette doctrine à d'autres pays, il essaye de l'appliquer à la formation de la vallée du Rhône et enfin aux Alpes

elles-mêmes. Comparant d'une manière générale les effets de la dénudation et de la dislocation ainsi que leur influence mutuelle sur un sol dont le relief a été modifié depuis son dépôt, M. Juk es formule les propositions suivantes

« io Il existe deux sortes de dénudations, l'une qui est marine, l'autre qui est atmosphérique. « 2° La dénudation marine s'exerce seulement près du niveau de la mer et le long des côtes. Elle agit par un mouvement horizontal qui tend à réduire le sol émergé à son niveau. « 3° La dénudation marine ne saurait produire des ravins ou des vallées contournées et étroites, mais seulement des cols ou des défilés sur la crète des montagnes, lorsque leurs sommets forment des îles et des détroits qui sont traversés par des marées ou des :courants énergiques. «4° La dénudation atmosphérique agit verticalement, soit en décomposant les roches partout où elles sont émergées, soit en les creusant et en les détruisant par la glace des glaciers lorsqu'il en existe dans le pays, ou bien par l'eau des ruisseaux, des torrents et des rivières.