Annales des Mines (1863, série 6, volume 4) [Image 74]

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SUR M. DUFRÉNOY.

NOTICE

de la géologie générale du pays ; il n'existait, en effet, qu'un essai de la distribution des principaux terrains 'a la surface de la France, publié en 1822 par MM. Omalius d'Halloy et Coquebert de Monbret et plusieurs travaux monographiques se rapportant à diverses localités, à des provinces, à des chaînes de montagnes, tels que ceux de Guettard, de Monnet, de Cuvier et Alexandre Brongniart, de Charpentier, etc, En vue des explorations que devaient entreprendre séparément les deux jeunes ingénieurs, le territoire de la France fut partagé en deux régions par une suite de lignes passant par Honfleur, Alençon, Avallon et Chalons-sur-Saône, par les cours de la Saône et:du Rhône jusqu'à la Méditerranée; la portion sud-ouest échut à Dufrénoy, l'autre à son collègue. Ces explorations devaient commencer chaque année après les examens des élèves de l'École des mines et se prolonger

jusqu'à la reprise des cours. Les premiers voyages furent entrepris en 1825 isolément;

dès 1826 M. l'ingénieur Fénéon fut attaché pendant deux années à M. Élie de Beaumont et l'auteur de cette notice à M. DuIrénoy jusqu'à la fin du travail séparé des deux auteurs de la carte géologique. On se trouva bientôt aux prises avec des difficultés de plus d'un genre, les unes matérielles telles que l'imperfection des moyens de transport et plus encore celle des lieux de stationnement en certaines régions de la France. Les autres d'une nature scientifique, telles que l'ignorance absolue dans laquelle on se trouvait parfois sur la nature des terrains que l'on rencontrerait le lendemain, sur la meilleure direction à choisir pour observer utilement. Puis l'imperfection des cartes topographiques destinées à recevoir le tracé des limites géologiques. Les feuilles de Cassini étaient alors le seul travail géographique assez dé-

taillé pour servir de guide à une exploration de détail qui ne pouvait se faire qu'a pied et l'on sait à quel point la configuration du sol y est imparfaitement représentée. Mais les difficultés avaient beau grandir, elles n'atteignaient jamais au niveau de l'énergique persévérance de Dufrénoy et des ressources de tout genre qu'il trouvait dans son esprit. Loin d'opposer à ses observations des obstacles infranchissables, les fatigues physiques, les intempéries, ne faisaient parfois qu'animer sa bonne humeur. On en jugera par l'extrait suivant d'une lettre qu'il m'adressait de Bordeaux le 13 octobre 1827 après une séparation de plusieurs jours

lettre m'a procuré quelques moments de Votre « plaisir et m'a délassé en partie de rues fatigues. Si le « temps a été brumeux de votre côté, il a été beaucoup « plus généreux du mien, et, depuis mon départ de Ber« gerac, je puis dire avoir reçu la pluie au moins quatre « ou cinq heures par jour. Je ne veux pas entrer dans des CC

CC détails sur les jouissances continuelles que j'ai éprou« vées, elles vous rendraient jaloux et vous m'en voudriez « d'avoir choisi la meilleure part ; du reste, je sais votre dear lord et il était juste que je me fisse la part du lion. « Pour vous en donner une idée, je vous dirai que je suis allé de Beaumont à Bergerac (12 lieues de poste dont 6 « dans la traverse) plus chargé que le fameux jour de Cour« don ; je ne défais pas le paquet pour que vous puissiez « en juger. A la vérité j'avais pour compagnons de voyage « trois sphérulites dont une est, sans exagérer, double de « votre hypurile de poche, et comme elle avait le caractère « le plus indomptable, elle n'a jamais voulu entrer dans « mon sac et j'ai été obligé de la porter sur mon bras. Pour « me délasser je suis tombé dans la meilleure auberge, il « est vrai, mais dans laquelle une nuée de cousins m'a em« péché de fermer ce que vous concevrez facilement « quand vous verrez les deux ou trois cents piqûres dont je