Annales des Mines (1848, série 4, volume 14) [Image 3]

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SUR LES ANCIENS LITS DE DÉJECTION

des gorges, de petites éminences dont la hauteur est très-peu considérable relativement au diamètre

de la base. Leur forme générale est celle d'un demi-cône aplati qui est appliqué contre la montagne et a son sommet placé précisément à l'issue de la gorge. Les arêtes de ce demi-cône sont bien dressées et présentent une pente presque toujours inférieure à om,o8 , qui diminue de plus en plus en descendant, de manière à se raccorder avec la

plaine. Le torrent qui descend de la montagne coule ordinairement sur l'arête culminante, et, très-souvent, il y est profondément encaissé. Ces éminences sont couvertes à leur surface d'habita-

tions, d'arbres et de champs cultivés. Si l'on fouille au-dessous de cette écorce pour étudier leur composition minéralogique, on reconnaît qu'elles sont formées d'un amas confus de cailloux plus ou moins arrondis, entremêlés de sable et de gravier, et n'offrant aucune apparence de stratification. Ces matières de transport sont d'ailleurs identiques, quant à leur nature, avec Celles que le torrent sortant de la gorge charrie encore aujourd'hui. On voit par ces détails qu'il y a une ressemblance, complète sous le rapport de la configuration extérieure, de la situation et de la com-

position, entre .ces amas de débris et ceux que beaucoup de torrents dans les Alpes déposent sous nos yeux et qui constituent ce que M. Surell a nommé leur lit de déjection (1). Il n'est (1) Voyez pour les caractères généraux des torrents des Alpes, et spécialement ponr leurs lits de déjection , la description claire et exacte qui en a été donnée par M. Surell (Études sur les torrents des Hautes-Alpes, p. 13 et suivantes)

DES TORRENTS DES ALPES.

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pas douteux par conséquent que leur mode de formation n'ait -été exactement le même ; leur

aspect seul est différent. Les lits de déjection modernes n'offrent à l'oeil qu'une plage de cailloux stériles, que le torrent accroit sans cesse et qu'il parcourt dans tous les sens. Ceux dont nous parlons sont revêtus d'une couche épaisse de terre végétale et sont cultivés depuis un temps immémorial. Les cours d'eau qui les traversent sont inoffensifs ; ils sont même une source de prospérité pour le pays en alimentant des canaux d'arrosage ou en servant de force motrice à des usines. Pour que l'on puisse encore mieux apprécier ces faits intéressants et voir les .conséquences remarquables qui s'en déduisent, nous allons citer des exemples. Nulle part peut-être les anciens lits de déjection ne sont aussi nombreux et ne peuvent être étudiés avec autant de facilité que sur la rive gauche de l'Isère, entre Grenoble et Pontcharra. Ce côté de la vallée est bordé par une chaîne de montagnes

dont les sommités les plus élevées, formées de

gneiss et de protogine, sont comprises entre 2.000 et 3.000 mètres au-dessus de la mer. A leur base se trouve une série de collines de hauteur décroissante, qui sont composées de schiste argileux et de calcaire noir feuilleté, friable, sauf dans leur partie la plus basse où le calcaire schisteux devient

plus dur et susceptible d'être exploité pour les

constructions. lies flancs de ces collines sont extrêmement accidentés ; ils sont coupés par de

grands ravins sinueux qui remontent jusqu'au

pied des sommités talqueuses. On y observe aussi des dépressions profondes, à contours presque circulaires, creusées dans le schiste en forme d'en-