Annales des Mines (1844, série 4, volume 5) [Image 334]

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JURISPRUDENCE

sidérés comme meubles les matières extraites, les approvisionnements.

Ainsi, d'après ces articles, la vente des produits extraits serait uniquement une vente mobilière. Mais la cession du droit d'exploiter le gîte minéral lui-même serait une vente immobilière. Quand le gouvernement concède une mine, il dispose de la masse de substance minérale qui est renfermée dans le sein de la terre, et non du terrain où elle existe ; car le sol ne cesse pas d'appartenir au propriétaire. C'est donc cette masse de substance minérale qui est la chose concédée, et qui, d'après l'art. 8, constitue une propriété immobilière d'une nature spéciale. Or, lorsqtie le concessionnaire vend son droit d'exploitation, soit sur une partie de la mine, soit sur le gîte en-

tier, c'est comme s'il aliénait tout ou partie de la mine elle-même, puisqu'après l'exploitation il ne restera plus rien du gîte, que la mine aura disparu.

Cette cession d'exploitation et la cession de la mine ont

absolument, pour le cessionnaire et pour le cédant, les mêmes effets. Et comme, ainsi que le reconnaît la cour de

cassation, ce n'est pas la forme extérieure des actes, la qualification que leur donnent les partis, qui détermine leur nature que leur essence dépend de leur objet même ; comme, suivant cet axiome du droit romain, in conventionibus contrahentium volunialem potiùs quam verba spec tari decet , n'en résnIte-t-il pas que la cession de l'exploitation d'une mine et la vente de la mine étant au fond une seule et même chose, doivent être également considérées comme une transmission de propriété immobilière ?

A la vérité, il existe des immeubles par leur nature qui deviennent meubles par destination : par exemple, les bois, les récoltes pendant par racines sont des immeu-

bles, aux termes des art. 520 et 521 du Code civil. Et pourtant, le bois, les récoltes, vendus pour être coupés, sont meubles, quoiqu'étant encore inhérents au sol. Pareillement,. pourra-t-on dire un gîte minéral sera immeuble, et la cession de l'exploitation de ce gîte, la vente

des minerais qu'il renferme, ne sera qu'une vente mobilière. Mais on peut répondre qu'il n'y a pas similitude entre des bois, des récoltes, et des minerais, en ce que les premiers peuvent se reproduire, tandis que les s'éConds ne

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se renouvellent pas et que la mine se trouve détruite une fois qu'ils sont enlevés. C'est précisément sur cette circonstance que la cour de cassation, dans son arrêt du 4 juin 1844, le dernier qui soit intervenu en cette matière (voir ci-dessus, page 651) , s'est fondée pour déclarer nulles les amodiations partielles. Elle a considéré qu'elles constituaient des ventes par lots Ou des partages de la mine, « attendu que l'amodiation ou le louage d'une mine concédée, s'appliquant à des choses » fongibles et qui se consomment par l'usage, à des sub»

stances qui ne peuvent se reproduire, constitue une aliénation, et par conséquent une aliénation partielle,

» lorsque le louage ou l'amodiation ne porte point sur la totalité de la concession. » il y a donc, au jugement de la cour, aliénation, vente, quand on cède le droit d'exploiter. Mais il ne paraît pas que cette aliénation puisse être regardée comme une simple

vente du minerai : car alors elle serait parfaitement licite

dans tous les cas ; assurément on ne considérerait pas comme un partage, comme une infraction à l'art. 7 de la loi du 21 avril 1810, la vente que ferait un concessionnaire de certaines quantités plus ou moins grandes de minerais qu'il aurait extraits ou qu'il voudrait faire extraire. Si ces ventes sont réputées illicites et nulles , quand elles

s'appliquent à une partie d'un gîte, c'est donc qu'on les considère comme formant une aliénation de cette partie du gîte, partant, non comme une simple vente de produits, niais comme une aliénation de la propriété souterraine elle-même, objet de la concession, et par conséquent comme une vente immobilière, puisque les mines sont immeubles d'après l'art. 8 de la loi de 1810. La doctrine qu'il ne s'agirait ici que d'une vente mobilière se concilierait difficilement, ce nous semble, avec l'un des principaux arguments sur lesquels la cour s'est appuyée avec tant de raison pour décider que les amodiations partielles sont radicalement nulles.