Annales des Mines (1830, série 2, volume 8) [Image 121]

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SUR L EVENEMENT

DU ems-mo.Nzit.

devint lui-même de plus en plus vicié par le séjour de ces malheureux, et il est très probable, d'après l'état dans lequel nous l'avons trouvé immédiatement après leur sortie , qu'ils n'eussent pas pu y vivre un ou deux jours de plus. Il est à remarquer que, par suite de l'espèce d'habitude qu'ils avaient contractée de respirer dans ce milieu impur, ils éprouvèrent un malaise. sensible en recevant de bon air par le trou de sonde. Les huit captifs ne tardèrent pas à s'apercevoir que le niveau des eaux commençait à baisser. Ils jugèrent alors qu'on tâchait déjà de venir à leur secours , et ils en conçurent d'autant plus d'espoir que l'un d'eux , François Sagnol , qu'ils

sons ce rapport, plus à plaindre que les antres; mais son camarade, le même Antoine Dumas qui portait un gilet de laine, ôta sa veste pour la lui donner. Cependant , au bout de quelque temps , les nommés Denis Brun , Pierre Beraud et Jean Tessot mangèrent , le premier, la moitié de sa che-

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avaient chargé de mesurer l'abaissement des eaux, les trompait pour soutenir leur courage : cet espoir ne les a presque jamais abandonnés.

Parmi eux., le nommé Antoine Dumas avait seul apporté son dîner, qui se composait d'une demi-livre de pain, d'une ration de fromage et d'une demi-bouteille de vin. Vers le milieu de la première journée, ce brave homme proposa à ses

compagnons d'infortune de partager entre eux cette nourriture si exiguë. Son offre fut acceptée; /mais Claude Féréol et Antoine Beratal , qui avaient déjeûné avant d'entrer dans la mine, refusèrent d'en prendre leur part , disant qu'ils devaient mourir tous en même temps. De pareils traits n'ont pas besoin de commentaires. Ils n'ont pas été très tourmentés par la faim

mais ils souffrirent beaucoup du froid, sans

doute à cause de l'humidité du lieu dans -lequel ils étaient renfermés, et surtout de l'inaction de leur estomac. L'un d'eux; François Sagnol, dont la veste avait été emportée par les eaux, était,

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mise bleue ; le second, un morceau de sa bretelle

en cuir, et le troisième, la mèche de S a lampe imprégnée d'huile , dont il ne put supporter le goût. Ils pensaient qu'en se lestant ainsi d'avance l'estomac, ils pourraient prolonger leur existence ;

mais cela ne fit que leur causer des douleurs

qu'ils ressentirent encore pendant quelques jours après leur délivrance._ On se peindra aisément la joie' qu'ils éprouvèrent lorsqu'ils entendirent pour la première fois

les coups de masse que nous fîmes frapper, et auxquels ils répondirent aussitôt de la même manière. Les coups de poudre qu'ils entendirent biemôt relevèrent surtout leur courao'e b en leur prouvant que l'on s'occupait activement de percer le massif qui nous séparait d'eux ; ils suivaient avec anxiété la marche de nos travaux et calculaient l'époque i laquelle ils se verraient' délivrés; mais ils n'avaient aucune mesure du temps , et le lundi matin, au moment où l'on communiqua avec eux; ils se croyaient au samedi précédent. Plusieurs fois , pendant leur captivité , ils ont

adressé au ciel des prières, et au moment on la sonde arriva jusqu'à eux, leur première pensée fut encore d'en rendre grace à Dieu et à leurs libérateurs. Quelque bonheur que leur délivrance fasse T. KHI, 5e. lier. 183o.