Annales des Mines (1912, série 11, volume 1, partie administrative) [Image 198]

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sidérées que comme une bonification purement gracieuse quin e saurait engendrer contre elle aucun droit de créance au profit de son personnel ; Qu'en présence de cette affirmation ce serait au saisissant! démontrer l'existence au profit de son débiteur d'un droit de créance en vertu duquel celui-ci aurait pu actionner la compagnie en paiement de sa part de bénéfice ; que R... ne tente même pas de faire cette preuve ; Qu'il est si vrai que les ouvriers de la Compagnie des mines de Hlanzy n'ont jamais considéré les « bénéfices » comme constituant pour eux un droit, une partie intégrante de leur salaire, qu'ils'n'ont jamais prétendu faire entrer ces bénéfices en ligne de compte pour le calcul des salaires en matière d'accidents du. travail ; Qu'il est d'ailleurs reconnu en doctrine que des gratifications octroyées annuellement aux ouvriers ne constituent que des libéralités et ne sont par suite pas susceptibles d'être saisies-arrêtées entre les mains du patron (Paron, Traité sur la saisie-arrêt, 1896, n° 105 ; Emion, la Saisie-Arrêt sur les salaires et petits traitements); Que R... objecte, il est vrai, que du jour où la distribution des bénéfices avait été annoncée par affiches, le 17 février 1911, la compagnie était obligée envers les ouvriers; qu'en conséquence, au jour de la saisie, 25 février, un droit acquis existait au profit d'A... sur sa part de bénéfices ; Mais attendu qu'on ne saurait admettre que le fait d'annoncer qu'à jour fixe une distribution sera faite à titre gracieux aune catégorie de personnes constitue ces personnes créancières de la personne qui fait cette annonce; qu'une disposition à titre gratuit n'est parfaite et n'engage le donateur, si c'est une donation régulière (ce qui n'est pas le cas), que par l'acceptation par acte authentique (art. 932 du code civil), et si c'est un don manuel, comme dans l'espèce, par la tradition ; Que par suite, jusqu'au jour de la remise aux- ouvriers des primes qui leur reviennent, ils ne sont ni propriétaires ni créanciers de la part à eux attribuée et ne pourraient exercer aucune action contre la compagnie pour en obtenir la remise; Que si la compagnie, en cas de décès d'un ouvrier bénéficiaire d'une prime, consent à verser cette prime à ses héritiers, elle le fait bénévolement et sans que cela puisse être interprété comme la reconnaissance d'un droit juridiquement acquis au profit de l'ouvrier; Attendu en conséquence qu'en validant la saisie-arrèt prati-

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quée par R... entre les mains de la compagnie des mines de Blanzy, sur les primes à payer à A..., le jugement entrepris a fait une fausse application de l'article 557 du code de procédure civile ; qu'il doit donc être réformé. Par ces motifs : Le tribunal, Jugeant en matière sommaire et dernier ressort, Reçoit en la forme A... appelant du jugement rendu par M. le juge de paix de Montceau-les-Mines, en date du 14 mars 19H ; Reçoit également l'appel incident de R... ; Déclare R... mal fondé dans sa demande tendant à faire valider la saisie-arrêt pratiquée à sa requête entre les mains de la compagnie des mines de Blanzy sur la part de bénéfices revenant à A... ; Décharge A... des condamnations prononcées contre lui par ledit jugement; Dit en conséquence n'y avoir lieu de statuer sur l'appel incident désormais sans objet; Ordonne la restitution de l'amende consignée ; Et, en donnant acte à la Compagnie des mines de Blanzy de ce qu'elle déclare s'en rapporter à justice, Condamne R... à tous les dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit des avoués de la cause.