Annales des Mines (1893, série 9, volume 2, partie administrative) [Image 251]

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l'usage d'un appareil coûteux, elle l'a fourni à ses frais; que, depuis l'accident et jusqu'à l'âge de quinze à seize ans, les médecins de la société lui ont donné leurs soins appropriés et continus; qu'à cette époque, Malbos paraissant pouvoir se livrer à un travail facile, elle l'a admis dans ses bureaux; qu'enfin ses forces et son état maladif ne lui permettant pas de remplir un emploi, elle lui a payé une pension de 85 francs par mois depuis le 2 février 1882 jusqu'au mois d'avril 1888; Attendu que si, en thèse générale, il est excessif de prétendre qu'une dation de secours peut, dans tous les cas, constituer une reconnaissance de dette, il est non moins excessif de soutenir que le fait, par un patron, de fournir des prestations en nature ou en argent ne peut jamais être assimilé à un aveu de sa responsabilité; que, dans l'espèce actuelle en l'état des faits ci-dessus rapportés, la continuité, l'importance des prestations fournies depuis 1860 jusqu'en 1888 ne peuvent laisser soupçonner que celles-ci ont été inspirées par un pur esprit de charité, que l'opinion contraire pourrait sans doute être retenue si la Compagnie s'était bornée à donner des soins au demandeur au moment de l'accident, mais qu'on trouve dans la cause des actes accomplis sans interruption dans la mesure des besoins de "Malbos, tels que soins médicaux, opérations difficiles, fournitures d'appareils dispendieux, emploi dans les bureaux, pension mensuelle, le tout venant démontrer qu'à chaque époque de sa vie, elle lui est venue en aide avec une continuité, une persistance équivalant à un aveu de nature à faire naître un lien de droit; Attendu, si on admettait par impossible que les soins et secours donnés à Malbos ont été interrompus pendant une période suffisante pour que l'action en responsabilité fût déjà éteinte par la prescription en 1882, date à laquelle a été payé le premier mois de la pension de 85 francs, qu'il faudrait encore reconnaître que la Compagnie houillère par cette dation de secours qui s'est prolongée jusqu'en 1888 et qui a dépassé la somme de 6.000 francs, a renoncé implicitement à se prévaloir de la prescription acquise; Attendu, il est vrai, que, le 26 avril 1888, le conseil d'administration, convaincu que la Société ne devait rien a Malbos pour l'accident dont il a été victime et en raison, aux termes de la délibération, de l'intérêt que celle-ci portait à sa famille, a subitement réduit l'allocation fournie, depuis 1882, à 50 francs par mois, que cette décision qualifiant de secours provisoire, la

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nouvelle prestation ne saurait modifier l'interprétation donnée ci-dessus aux actes antérieurs; qu'en 1888 existait déjà la reconnaissance d'un droit en faveur de Malbos et l'aveu d'une responsabilité; que ce droit n'a pu être anéanti par la seule volonté de la Compagnie et que depuis cette époque jusqu'au jour de l'assignation, une nouvelle prescription n'a pas eu le temps de s'accomplir. Sur la quotité de la pension : Attendu que Malbos, privé du pied droit peut difficilement se livrer à une occupation; que le genre d'opération pratiqué sur lui entraîne des frais d'appareil très dispendieux ; que, d'ailleurs, la Compagnie paraît avoir elle-même appréciée à sa juste valeur l'indemnité qui lui revient en lui donnant pendant six ans 85 fr. par mois. Par ces motifs : Le tribunal jugeant en premier ressort et matière ordinaire, ouï le ministère public en ses conclusions orales, dit que l'action de Malbos n'est pas éteinte par la prescription, que la Compagnie a reconnu implicitement sa responsabilité. La condamne, en conséquence, à payer à Malbos une pension mensuelle de 85 francs par mois à partir du jour où la réduction a été opérée, sous déduction de toutes sommes payées depuis ledit jour. Condamne la Compagnie houillère de Bessèges aux dépens.

II. Arrêt rendu, le § juillet 1893, par la Cour d'appel de Nîmes. (EXTRAIT.)

Attendu que la Compagnie houillère de Bessèges se prévaut, devant la Cour, de cette circonstance que les secours annuels et continus accordés depuis plus de trente ans à Malbos n'auraient pas été fournis par elle, mais par la caisse de secours établie auprès d'elle, il est vrai, mais ayant une existence indépendante; Qu'ainsi, en supposant que ces prestations de toute nature continssent un aveu de responsabilité, elles ne lui seraient pas opposables, puisqu'elles n'émanent pas d'elle, mais d'une institution ou personne morale distincte; Attendu que celte prétention tardive ne peut être accueillie;