Annales des Mines (1891, série 8, volume 10, partie administrative) [Image 207]

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JURISPRUDENCE.

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elle s'est incorporée d'une manière complète; que l'on ne peut donc dire dans l'espèce que le législateur a entendu rejeter ou modifier implicitement par une loi nouvelle les principes qui réglaient précédemment la matière. Attendu, de plus, que si la loi du 27 juillet 1880, qui a donné aux concessionnaires de mines le droit d'user de l'occupation temporaire pour la création de chemins de fer dans le périmètre de leur concession, leur avait conféré ce droit sans tenir compte du principe posé dans l'article 11 de la loi qui exclut les enclos murés et par conséquent à plus forte raison, les édifices, il s'ensuivrait que ce droit pourrait s'exercer d'une manière absolue, môme pour les maisons, puisqu'aucune disposition n'en limiterait l'exercice. Attendu que sans repousser cette conséquence nécessaire de son système en ce qui concerneles voies ferréesnemodifiantpas le relief du sol, la compagnie de Courrières entend fonder ce droit absolu qu'elle invoque sur le rapprochement des articles 43 et 44 nouveaux de la loi du 21 avril 1810. Attendu qu'aux termes de l'article 44 un décret rendu en Conseil d'État peut déclarer d'utilité publique les chemins de fer à exécuter dans le périmètre de la concession lorsqu'ils modifient le relief du sol et que, dans ce cas, les dispositions de la loi du 3 mai 1841 relatives à la dépossession des terrains et au règlement des indemnités seront appliquées. Attendu que cet article ayant étendu aux travaux nécessaires àl'exploitation des mines le principe contenu dans l'article 1er, paragraphe 2, de la loi du 27 juillet 1870 sur les travaux publics, les effets de la déclaration d'utilité publique et de l'expropriation sont absolus et permettent de faire passer la voie ferrée à travers toutes espèces de propriétés, de quelque nature qu'elles soient. Attendu que l'appelante en conclut qu'il en doit être de même pour l'occupation temporaire autorisée par l'article 43, en vertu d'un arrêté préfectoral dans le cas où la voie ferrée ne doit pas modifier le relief du sol « puisque l'occupation autorisée par cet article n'est qu'une forme indirecte de l'expropriation et est destinée à procurer aux compagnies houillères, en vertu d'un arrêté préfectoral, les mêmes avantages qu'elles retireraient d'un décret d'utilité publique, si le chemin de fer projeté modifiait le relief du sol. » Mais attendu que ce qui constitue précisément la différence essentielle entre les dispositions de l'article 44 et celles de l'article 43, c'est que le premier, pur sa référence à la loi du 3 mai 1841 s'applique à l'expropriation de la parcelle de terrain dont la -propriété même sera transmise à la compagnie pour cause d'utilité publique, tandis que

l'autre ne s'applique qu'à une simple occupation. Attendu que de l'article 44, il résulte, au contraire de la prétention de la compagnie, que l'occupation temporaire cesse d'être applicable et que l'expropriation devient indispensable lorsque la voie ferrée doit modifier le relief du sol, c'est-à-dire l'état de ierraini non bâtis, qu'à plus forte raison, il en est de même lorsqu'il s'agit de lui faire traverser des édifices. Attendu que les édifices par leur nature résistent à toute idée d'occupation temporaire, puisque cette occupation aurait pour premier effet d'en dénaturer la substance et de faire disparaître l'édifice lui-même ; que l'occupation d'une propriété appartenant à autrui, sans l'acquisition de cette propriété, ne peut se concevoir, lorsqu'il est certain à priori que l'occupation aura pour premier résultat de faire disparaître cette chose elle-même ; qu'en outre, il serait contraire à tout principe juridique et véritablement exorbitant dans notre législation, qu'une personne pût être expulsée de sa propre maison pour une simple occupation d'une durée limitée et non en vertu d'une expropriation prononcée en conséquence d'un décret d'utilité publique. Attendu, par suite, que l'on ne peut assimiler pour lui donner effet à l'égard de toutes espèces de propriétés une simple occupation temporaire et une expropriation en vertu d'un décret d'utilité publique et qu'il suit de là que les dispositions de l'article 43 ne pouvant être interprétées par celles de l'article 44 dont elles sont essentiellement distinctes, demeurent régies exclusivement par les principes de l'occupation de terrains en matière de mines. Attendu que le texte môme- de l'article 43 aussi bien que la portée que lui a assignée le législateur commande cette interprétation. Adoptant, en outre, sur ce point, les motifs des premiers juges. Attendu, en fait, que parmi les parcelles possédées par les intimés il n'en est aucune qui soit close de murs ou qui constitue une cour; qu'il y a donc lieu de rechercher quelles sont celles d'entre elles qui constituent des jardins. Attendu que le mot jardin a dans notre langue un sens précis et déterminé et que Ton ne peut comprendre sous cette dénomination les parcelles des champs qui, n'ayant point le caractère de jardins, sont simplement affectées à la culture maraîchère. Attendu, en effet, que ces parcelles sont mises soit en adjudication, soit en location sous le nom de terres et ne sont jamais désignées sous une autre appellation. Attendu, en outre, qu'elles n'ont, en fait, d'autre valeur que leur valeur intrinsèque et qu'elles ne peuvent par suite se réclamer des raisons particulières d'utilité,

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