Annales des Mines (1886, série 8, volume 5, partie administrative) [Image 116]

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redevances qui leur sont dues par la Compagnie des houillères et fonderies de l'Aveyron, pour extraction de houille sous la surface de tous les terrains qui sont aujourd'hui leur propriété; il importe de distinguer ceux de ces terrains qui sont compris dans les conventions des 9 mai 1834 de ceux qui y sont restés étrangers. En ce qui concerne les terrains qui font l'objet de la convention de 1834 : Marianne Domergue, épouse Salvan, était mariée sous le régime dotal, avec constitution en dot de tous ses biens présents et à venir, et, en cet état, ni elle, ni son mari, ni tous les deux conjointement ne pouvaient aliéner les redevances tréfoncières qui leur étaient dues par la Compagnie; ces redevances font partie intégrante du sol et constituent un droit immobilier inaliénable pendant le mariage; et si le caractère de ce droit pouvait faire l'objet d'un doute, ce doute serait levé par l'article 18 delà loi de 1810, qui déclare que la valeur des droits résultant en faveur des propriétaires de la surface, de l'article 6 de la loi, demeure réuni à ladite surface et sera affecté avec elle aux hypothèques prises par les créanciers des propriétaires. La Compagnie soutient, comme elle l'a soutenu devant le tribunal, que la femme Capelle est irrecevable à quereller l'acte de vente de 1834, qu'elle est héritière de son père décédé le 15 septembre 1875, et, comme telle, obligée de garantir, comme il l'était lui-même, l'exécution de ce contrat ; à l'appui de sa prétention, elle offre de prouver : 1° que Barthélémy Salvan avait un mobilier d'une certaine importance; 2" qu'après son décès, l'intimée a partagé ce mobilier avec ses deux sœurs ; mais que cette offre en preuve n'est nullement pertinente et ne saurait être accueillie ; les faits articulés par la Compagnie sont sans précision et sans vraisemblance; il est constant que Salvan père était sans fortune; que, depuis son mariage jusqu'à son décès, il a toujours habité dans la maison Domergue, et que le mobilier partagé par ses enfants lui avait été laissé en jouissance après la mort de sa femme, qui en était propriétaire. La Compagnie appelante est encore mal venue à prétendre que la femme Capelle, en réclamant les redevances tréfoncières échues, a fait acte d'héritier puisque jamais, à aucune époque, ces redevances n'ont pu appartenir au mari comme faisant partie des revenus dotaux Ladite compagnie n'est pas plus fondée à se prévaloir de ce que, postérieurement au décès de la femme Salvan jusqu'en 1874

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la redevance stipulée dans l'acte de 1834 a été payée; il n'est nullement établi que cette redevance ait été touchée par les époux Capelle, et si elle a été perçue par Barthélémy Salvan, qui avait stipulé pour son compte personnel, en 1834, ce fait ne saurait, en aucune façon, engager l'intimée; au surplus, la ratification tacite résultant de l'exécution volontaire n'est opposable que lorsqu'elle a été faite en parfaite connaissance de cause du vice dont l'acte était infecté et avec l'intention formelle d'en couvrir la nullité, il y a donc lieu de déclarer nulles les conventions de 1834 et ordonner l'expertise. En ce qui concerne les terrains qui ne sont pas compris dans la convention : ' Attendu que la Compagnie appelante soutient : 1" Que depuis son exploitation, elle n'a pas extrait de la houille ni sous ces terrains, ni sous ceux possédés par les époux Salvan en 1834 ; 2° Que s'il en était autrement, les redevances par elle dues ne pourraient porter que sur les cinq dernières années, conformément aux dispositions de l'article 2277 du Code civil; 3" Que, tout au moins, elle ne devrait être tenue de ces redevances qu'à partir de sa prise de possession qui s'est effectuée en 1868; Sur le premier point, les juges ont fait ce qu'ils devaient faire en nommant un expert pour vérifier si des extractions ont été faites, et, dans le cas d'affirmation, pour déterminer leur profondeur et leur quantité. Sur le deuxième point, les dispositions de l'article 2277 du Code civil ne sont pas applicables aux redevances tréfoncières, dont l'exigibilité, la quantité, et souvent même l'existence, sont incertaines, qui doivent se régler au moyen de sommes proportionnelles aux produits extraits. Sur le troisième point, la réclamation de la Compagnie appeante est pleinement justifiée ; si le cahier des charges dressé, pour parvenir à la vente des usines et concessions métallurgiques appartenant à l'ancienne Compagnie des houillères et fonderies de lAvoyron, tombée en faillite, stipule que l'adjudicataire devra payer toutes les redevances, rentes et prestations en nature ou en argent, viagères, temporelles ou perpétuelles, qui peuvent être à la charge de l'ancienne compagnie, en sus et sans diminution de son prix, il indique formellement que ces allégations n'incombent à la nouvelle Compagnie qu'à partir de son entrée en jouissance et pour l'avenir.