Annales des Mines (1884, série 8, volume 3, partie administrative) [Image 164]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

326

JURISPRUDENCE.

A la vérité, lorsqu'un immeuble est susceptible de plusieurs modes de jouissance, la privation d'un ou plusieurs de ces modes de jouissance, ne constitue pas, pour le propriétaire une éviction, une dépossession dans le sens de la loi. Mais, pour des gisements houillers, il n'y a qu'un mode de jouissance, l'exploitation. Dès lors, lorsque l'interdiction d'exploiter est définitive, la propriété est anéantie et la dépossession est consommée. En fait, l'arrêté d'interdiction existe depuis 39 ans, et les demandes de la compagnie du chemin de fer pour en obtenir le retrait, même en admettant qu'elles ne soient pas des moyens d'audience, se briseront toujours contre des raisons de sécurité publique. En effet, le long du périmètre interdit, il y a de nombreuses constructions, des usines importantes et ces constructions, ces usines seraient ébranlées par les travaux souterrains nécessaires pour l'exploitation du charbon. Même l'interdiction d'exploiter fût-elle levée , Coste, Clavel et Cic et la société des houillères de Rive-de-Gier ne profiteraient aucunement de cette levée de l'interdiction. En effet, l'exploitation a cessé dans le voisinage du périmètre interdit; les galeries, les puits ont été comblés ou anéantis; pour les rétablir il faudrait dépenser une somme beaucoup plus forte que celle représentant la valeur du charbon qu'on pourrait extraire. Ainsi, en fait, la dépossession est consommée et définitive. Dès lors, le tribunal civil de Saint-Étienne était parfaitement compétent pour statuer sur le litige qui lui était soumis, et il a eu raison de le déclarer, mais il n'y a pas lieu de soumettre aux expei ts qu'il a désignés la question de savoir si l'occupation du chemin de fer peut être considérée comme une dépossession définitive. Sur l'exception de chose jugée qui résulterait du procès de 1839: Il est certain qu'en 1859, Coste, Clavel et Cic ont actionné la compagnie du chemin de fer de Paris a Lyon et à la Méditerranée pour obtenir une indemnité à raison du préjudice que leur occasionnait l'arrêté ministériel du 11 juin 1844, qui donne lieu au procès actuel. Il est certain aussi que le procès de 1S59 a été attribué aux tribunaux administratifs par une décision souveraine du conseil d'État (*). (*) Volume de 1881, p. 416 et 419.

JURISPRUDENCE.

327

Mais, même en admettant, ce qui pourtant est contesté par les compagnies intimées et ce qui ne sera bien éclairci que par l'expertise et les débats sur le fond du litige, môme en admettant qu'il s'agisse aujourd'hui du même périmètre houiller qu'en 1859 et que la société des houillères de Rive-de-Gier, qui n'était point en cause en 1859, ait été représentée par Coste Clavel et C", qui seraient ses auteurs, il est manifeste que l'exception de chose jugée ne doit point être accueillie. D'une part, en effet, les compagnies intimées actionnent la compagnie du chemin de fer pour un préjudice né depuis l'instance de 1859. D'autre part, en 1859, la position des compagnies intimées n'était pas la même qu'aujourd'hui, parce qu'alors l'interdiction d'exploiter n'avait qu'un caractère provisoire et qu'actuellement la dépossession est définitive. Au fond : Le dommage éprouvé par les intimés ne peut être évalué qu'en recourant à une expertise et le tribunal a désigné des hommes d'une incontestable capacité. Par ces motifs, la Cour, statuant tant sur l'appel de la compagnie du chemin de fer de Paris à Lyon et a la Méditerranée que sur le déclinatoire formulé par M. le préfet de la Loire, et sans s'arrêter à l'exception de chose jugée ; Dit et prononce que le tribunal civil de Saint-Étienne était compétent et confirme la décision par laquelle il s'est déclaré compétent ; Confirme le jugement dans ses autres dispositions, en expliquant toutefois que la mission des experts se bornera a apprécier le dommage causé aux compagnies intimées et a déterminer par un chiffre l'étendue du préjudice.

III. Décision rendue, le 7 avril 1884, par le tribunal des conflits. (EXTRAIT.)

La demande d'indemnité formée contre la compagnie du chemin de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée par les sieurs ie Coste, Clavel et C et par la société anonyme des houillères de Rive-de-Gier est fondée sur le préjudice qui résulte pour les sieurs Coste et consorts de la décision, en date du H juin 1844