Annales des Mines (1884, série 8, volume 3, partie administrative) [Image 127]

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JURISPRUDENCE.

JURISPRUDENCE.

ainsi quand il s'agit d'ouvrages établis en dehors des conditions légales; ces ouvrages alors ne sont plus que.des entreprises illicites qui, tant qu'elles restent illicites, ne peuvent devenir le fondement d'un droit vis-a-vis de la personne qui a qualité pour les faire réprimer; il suit de là que le propriétaire quia édifié des constructions de la nature de celles prévues en l'article 11, avant que les ouvrages entrepris par le concessionnaire aient, par le fait de la loi ou de toute autre manière, revêtu un caractère licite, se trouve en présence d'une simple voie de fait impuissante à créer un droit contre lui. Tel est le cas de l'espèce; Grimaldi se trouvant, sous l'empire delà loi de 1810, en présence d'un puits qui n'était pas a la distance légale de sa maison, a été en droit de le tenir pour un fait illicite et d'agir en conséquence chez lui, d'y élever, par conséquent, des constructions par rapport auxquelles Fourcade ne saurait se prévaloir de l'antériorité d'un ouvrage établi dans des conditions précaires et dépendantes delà volonté de Grimaldi; celui-ci eût pu, sous l'empire de la loi de 1810, non seulement faire fermer ce puits, mais encore en empêcher la réouverture a une distance de moins de 100 mètres de sa clôture murée; la loi de 1880, survenue en cet état de choses et trouvant, d'ailleurs, le mur de clôture édifié dans les conditions qu'elle a prescrites, n'a pu avoir d'autre effet que de replacer Fourcade dans la situation où il eût été par rapport à Grimaldi, sous l'empire de la loi de 18,10, avec cette seule différence que le nouveau puits, qu'il n'aurait pu ouvrir autrefois qu'à 100 mètres du mur de clôture, il peut l'ouvrir aujourd'hui à 50. Vainement, pour échapper à cette conséquence et se prévalant au besoin de la nature de la prohibition portée en l'article H, qui constituerait une servitude réelle, on voudrait séparer la maison de la clôture qui y a été ajoutée, et apprécier, d'une manière distincte, par rapport à chacune de ces constructions, l'entreprise de Fourcade, laquelle n'aurait été illicite et précaire que par rapport a la maison, licite, au contraire, par rapporta la clôture et qui, ayant toujours été légitime vis-à-vis de celle-ci, par le seul fait de son antériorité, l'étant devenue vis-à-vis de celle-là par le fait de la loi de 1880, se trouverait aujourd'hui à l'abri de toute critique; sans examiner si cette distinction serait fondée, alors même qu'il s'agirait de deux constructions distinctes, mais appartenant au même propriétaire, il suffit de constater ,que dans l'espèce ces deux constructions forment un

ensemble indivisible, et que la clôture murée, ajoutée à la maison d'habitation, constitue avec celle-ci, dont.elle n'est qu'une simple dépendance, un tout qui est l'habitation elle-même, c'est-à-dire la chose en vue de laquelle a été créée la prohibition portée en l'article 14; il suit de là que cette prohibition, quelle que soit, d'ailleurs, la qualification qu'on lui donne, doit protéger tous les agrandissements de l'habitation faits à une époque où le puits n'avait qu'une existence illicite par rapport à cette habitation même, et que, pour déterminer la zone de protection voulue par la loi nouvelle, il faut tenir compte de ces agrandissements. Le puits ouvert par Fourcade se trouvant à 17 mètres seulement du mur de clôture attenant à l'habitation de Grimaldi, celui-ci est en droit d'en exiger la fermeture si lui ou ses auteurs n'ont pas consenti à ce qu'il fût ouvert; ce consentement, d'après Fourcade, lui aurait été donné par Socodiabèhère, de quiGrimalditient ses droits; mais il n'en rapporte pas la preuve, et en admettant que celle qu'il offre de faire par témoins fût admissible, sans un commencement de preuve par écrit, elle ne serait pas pertinente en ce que les faits articulés n'impliqueraient pas un consentement formel à l'exploitation d'un puits de mine et une renonciation certaine à la servitude ou au droit prohibitif, quel qu'il soit, que l'article 11 de la loi sur les mines donne au propriétaire des habitations dans un rayon déterminé. A un autre point de vue, Grimaldi en achetant la maison Socodiabèhère et en utilisant cet achat dans l'intérêt de son industrie, n'a fait qu'user d'un droit légitime. Sur l'appel incident, la Cour ne peut s'immiscer dans les questions d'exploitation minière qui excèdent sa compétence, et par conséquent, prescrire ou interdire d'exploiter suivant tel ou tel mode les salines concédées à Fourcade ; elle peut seulement fixer le mode d'exécution de son arrêt en ce qui concerne la fermeture du puits; l'article 11, dont elle fait l'application et qui est seul invoqué par Grimaldi en tant que propriétaire d'une habitation protégée par cet article, ne concerne que les ouvrages pratiqués à la surface, et non les ouvrages souterrains; il suffit donc d'ordonner que l'ouverture du puits sera fermée de façon à en faire disparaître les vestiges extérieurs. Par ces motifs, la Cour déboute Fourcade de l'appel principal parlui interjeté envers le jugement du tribunal civil de Bayonne du 17 mai 1881; déboute Grimaldi de l'appel incident relevé contre le même jugement; confirme ledit jugement.

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