Annales des Mines (1884, série 8, volume 3, partie administrative) [Image 125]

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JURISPRUDENCE.

JURISPRUDENCE.

jardins, enclos murés et terrains attenants, sans le consentement formel du propriétaire. Fourcade a foré, en 1879, par conséquent avant la promulgation de la loi du 27 juillet 1880, un puits destiné a rechercher et à exploiter de l'eau salée a 58 mètres de la maison Soco, alors propriété de Socodiabôhère et aujourd'hui propriété de Grimaldi; ce puits se trouve encore placé à, 17 mètres de la clôture murée établie par Grimaldi, de janvier à mars 1880 ;il est ainsi situé dans le périmètre d'interdiction déterminé par la loi de 1810 et même par celle de 1880, si cette dernière loi pouvait avoir un effet rétroactif; cependant Fourcade est dans l'impossibilité de produire le consentement du propriétaire de Soco; mais il offre de prouver par témoins, dans la forme des enquêtes ordinaires, que ce consentement, qui lui était indispensable, lui avait été été donné par Socodiabèhère, auteur de Grimaldi; il importe, dès lors, d'examiner si cette offre de preuve est pertinente et admissible et s'il y a lieu de s'y arrêter ou de la rejeter. Il est de doctrine que la prohibition d'ouvrir ou d'exploiter une mine et de pratiquer un puits d'eau salée a une distance déterminée constitue, comme les interdictions de même nature édictées par diverses lois, notamment par les lois des 10 juillet 1791, 23 prairial an XIII, 26 juin 1854, sur les places de guerre, les cimetières, les magasins à poudre, une servitude d'utilité publique, ou, pour mieux dire, dans l'espèce, une servitude établie par la loi pour l'utilité des particuliers, rentrant dans les termes des articles 649, 650, 651 et suivants du Code civil; ces articles, en effet, sont énonciatifs et non limitatifs; cette servitude est définie et précisée avec une grande logique par Proudhon dans son « Traité du domaine de propriété », et il démontre que, dans ce cas, les fonds dominants sont nécessairement lès habitations et les clôtures; il est hors de contestation, au surplus, que toutes les questions qu'elle peut soulever, doivent être résolues conformément aux principes généraux réglementant la matière des servitudes. Une remise de servitude ou une renonciation à une servitude peut être expresse ou tacite, à titre gratuit ou à titre onéreux; elle peut vêtir diverses formes suivant les circonstances diverses au milieu desquelles elle se produit; elle peut même ressortir d'un fait, par exemple de la réunion des fonds dominants et servants sur la même tète, ou de la prescription acquise par le fonds servant; mais, en dehors de ces hypothèses, elle doit être prouvée par écrit; la preuve testimoniale de la remise, suivant Par-

dessus, n'est pas, en général, admissible, si' elle n'est avouée et autrement constante au procès; d'après M. Demolombe, «la preuve testimoniale toute seule, sans commencement de preuve par écrit et en l'absence de l'aveu ou de la délation du serment, n'est pas admissible » ; il est à relever, enfin, avec MM. Aubry et Rau, qu'un écrit est toujours nécessaire, puisque « la remise de servitude ne devient efficace, à l'égard des tiers qui ont acquis et dûment conservé des droits a l'héritage dominant, que par la transcription de l'acte qui la renferme ou du jugement qui la constate et à partir seulement de l'accomplissement de cette formalité (Loi du 23 mars 1855, article 2, numéros 2 et 3). » Si, aux termes de l'article 1341 du Code civil, il doit être passé acte devant notaire ou sous signature privée de toutes choses excédant la somme ou valeur de 150 francs et s'il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, il est certain aussi que les articles 1109, 1116, 1117 et 1353 du même Code, permettent d'annuler les actes entachés de dol et de fraude, et qu'ils permettent aussi de faire constater ce dol ou cette fraude, à l'aide de présomptions, et, a plus forte raison, pour la preuve testimoniale; dans la cause, Fourcade soutient que l'acquisition faite et la clôture établie par Grimaldi, depuis le commencement de ses recherches d'eau salée, constituent des actes dolosifs et frauduleux qui lui permettent de réclamer utilement la preuve testimoniale ; cette prétention n'est pas justifiée; en effet, au 10 décembre 1879, date de la vente consentie par Socodiabèhère, les recherches par lui opérées n'avaient pas encore été officiellement portées a la connaissance du public, et, quand même cette connaissance eût été donnée, Grimaldi avait certainement le droit, tout aussi bien que lui Fourcade, d'acheter le bien de Soco et d'y faire pratiquer, avant la permission et la concession administratives, tous les travaux que comporte la qualité de propriétaire, et il est à remarquer d'ailleurs et surabondamment qu'au 10 décembre 1879, alors que l'on se trouvait encore sous l'empire de l'article 11 de la loi de 1880, le puits d'eau salée était déjà ouvert à moins de 100 mètres de la maison Soco. L'offre de preuve proposée n'étant basée ni sur un fait constant, ni sur des imputations de dol et de fraude justifiées, ni sur l'aveu de la partie adverse, ni même sur un commencement de preuve par écrit, n'est ni pertinente ni admissible, et elle doit être repoussée, et cela avec d'autant plus de raison que Fourcade ne doit imputer qu'à lui-même les difficultés qu'il rencontre et