Annales des Mines (1883, série 8, volume 2, partie administrative) [Image 35]

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CIRCULAIRES.

gaz méphitiques et surtout le grisou sont des menaces de danger qui n'ont pas été supprimées et contre lesquelles, aujourd'hui comme il y a soixante ans, il faut être en garde. De nos jours, des calastroplies terribles, où trois cents hommes ont péri en un instant, nous rappellent qu'il faut toujours veiller. Si quelques progrès ont été réalisés, il reste beaucoup à faire. L'instruction présente, qui est destinée à remplacer, ou du moins à compléter, celle du docteur Salmade, en conservera le cadre. Elle est destinée aux directeurs des mines et à leurs préposés, afin qu'ils puissent donner les premiers secours. Ces soins doivent être d'autant plus prompts que les accidents entraînent quelquefois la mort avant l'arrivée du médecin. Il serait donc utile que les médecins attachés aux mines fissent, par an, deux ou trois conférences aux chefs mineurs, presque toujours appelés les premiers au moment des accidents. Ces conférences seraient suivies de quelques exercices pratiques, destinés à apprendre les pansements et à donner des indications sur le maniement des blessés, sur la façon d'employer les médicaments et les instruments que doit contenir la boîte de secours, et surtout sur la manière de pratiquer la respiration artificielle. Grâce à ces divers moyens, l'instruction aura toute son efficacité.

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CIRCULAIRES.

Grisou. — Le grisou est un mélange de gaz, dont la composition, variable selon les mines, se rapproche de la formule suivante : Hydrogène protocarboné Hydrogène bicarboné Gaz divers (azote, acide carbonique)

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Le grisou, quand on l'enflamme, brûle avec une belle flamme bleue; mélangé à l'air dans de certaines proportions, il devient explosible; à la dose de 6 pour 100, il commence à être dangereux; à 10 pour 100, son pouvoir explosible est à son maximum; il diminue à 16 pour 100, et disparaît à 3o pour 100. La détonation du grisou développe une pression d'environ 6" atmosphères, puis les gaz, qui sont à ce moment à une température très élevée, se refroidissent facilement; la vapeur d'eau, résultant de l'explosion, se condense; il se fait alors un retrait que l'on peut évaluer à 20 pour 100 du volume primitif, retrait qui appelle l'air extérieur avec une grande violence. Aussi, lorsqu'une explosion de grisou a lieu dans une mine, il se produit, suivant la quantité de gaz qui a détoné, des désordres plus ou moins graves qu'on peut résumer ainsi : Brûlures, production de gaz délétères, courants d'air d'une extrême violence, qui bouleversent les travaux et renversent les ouvriers.

ASPHYXIE. L'air que l'on respire à l'intérieur des mines présente une composition qui varie, non seulement d'une houillère à une autre, mais encore dans la même, suivant des circonstances multiples. On peut affirmer toutefois qu'il ne présente jamais la composition normale. D'après une analyse que ht autrefois Moyle de l'atmosphère de quelques mines du duché de Cornouailles, l'air no renfermait que 17 parties d'oxygène, au lieu de ai, et o,oo85 d'acide carboniquo, au lieu de o,ooo5 (en volume). De nos jours, M. Tournaire, ingénieur en chef des mines, résume ainsi son opinion sur ce point : « L'air se charge dans la mine de beaucoup plus d'acide carbonique que la respiration des hommes et des animaux, la combustion de la poudro et des lampes, n'en auraient pu produire; et la proportion de l'oxygène y est inférieure constamment à celle de l'air normal. » On respire donc mal dans les mines, comme le témoigne d'ailleurs l'expérience suivante : Un homme de trente ans, par une température de 10 degrés et une pression barométrique de 751, respire vingt et une fois par minute. Il descend dans un puits de 5oo mètres de profondeur; à l'intérieur des travaux, la température est de 3o degrés, la pression de 778, il respire trente-six fois par minute. Outre sa pauvreté en oxygène, sa richesse en acide carbonique, l'atmosphère des mines contient des gaz provenant de la décomposition des matières végétales et animales. Les couches de houille exhalent des gaz carbures; enfin les incendies, les explosions de grisou produisent des fumées, de l'acide carbonique et de l'oxyde de carbone. Nous allons passer en revue ces différentes causes d'asphyxie dans les mines.

Poussières charbonneuses. — Dans les mines sèches, les galeries sont remplies de poussières de charbon, provenant de l'abatage de la houille dans les tailles et du piétinement des hommes et des chevaux. Ces poudres, soulevée et suspendues dans l'air sont explosibles ou tout au moins inflammables. Un détonation de grisou a lieu; la pression considérable qui en résulte fait tourbillonner les poussières, qui prennent fou à leur tour; celte nouvelle explosion agit comme la première et lui fait suito en gagnant de nouvelles galeries, don elles soulève et enflamme les poussières. C'est ainsi que l'orage s'alimente en marchant et ravage tous les travaux. Après l'explosion, on trouve dans la mine, sous les bois de soutènement, des croûtes légères de coke qui indiquont qu'il y a eu du charbon brûlé. D'après l'analyse de ces croûtes, on a pu calculer qu'un kilogramme de poussières soulevées et enflammées a dégagé 61 grammes de gaz, c'est-à-dire 84 litres (pour une tonne, 84000) à la température et à la pression ordinaires; mais ce volume a été considérablement amplifié par l'ignition. On juge par là de la terrible puissance destructive d'une explosion de grisou dans une mine sèche poudreuse. Nous citerons comme exemple les terribles catastrophes qui ont eu lieu, en novembre 1871, et en février 1876, au puits Jabin, de Saint-Etienne. L'oxyde de carbone semble ici avoir été la cause de la mort de 1S6 ouvriers dans un cas et de 70 dans l'autre. Acide carbonique. — L'acide carbonique existe dans l'atmosphère des mines en proportion plus considérable que dans l'air normal. Quelquefois il s'accumule dans les travaux en grande quantité; grâce à sa pesanteur, il occupe la partie inférieure des galeries, souvent à une hauteur de plusieurs centimètres;