Annales des Mines (1881, série 7, volume 10, partie administrative) [Image 209]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

JURISPRUDENCE.

416

JURISPRUDENCE.

« jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné «, une mine à moins d'une certaine distance d'un chemin de fer (affaire COMPAGNIE DES COMBES ET D'EGARANDE contre COMPAGNIE DE PARIS A LYON ET A LA MÉDITERRANÉE). (EXTRAIT. )

Par une décision du ministre des travaux publics, en date du 11 juin 18M, il a été interdit aux concessionnaires des Combes et d'Egarande d'opérer, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné, aucune extraction, soit de houille, soit de matériaux de remblai, dans une distance moindre de 3o mètres du plan vertical passant par l'axe du chemin de fer de Saint-Étienne à Lyon. Par exploit du 8 avril i85g, la compagnie propriétaire de la concession des Combes et d'Egarande a formé, contre la compagnie du chemin de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée, une demande en paiement d'une indemnité de Soo.ooo francs, motivée sur cette interdiction. La compagnie du chemin de fer, soutenant qu'aux termes de l'article h de la loi du 28 pluviôse an VIII, le conseil de préfecture est seul compétent pour connaître d'une pareille demande, décline la juridiction du tribunal. Sur ce déclinatoire : — l'article invoqué de la loi du 28 pluviôse an VIII défère, en effet, au conseil de préfecture la connaissance des actions en indemnité fondée sur le dommage, permanent ou temporaire, que l'exécution des travaux d'utilité publique cause à la propriété privée. Mais la compagnie des Combes ne se plaint pas que l'établissement du chemin de fer et les ouvrages qui le constituent causent ou aient causé par eux-mêmes aucun préjudice à la mine ; ils reconnaissent, au contraire, que ces ouvrages et leur exécution ne lui ont été et ne lui sont aucunement dommageables. Elle donne pour unique fondement à son action la privation de jouissance et le retranchement que fait subir à sa propriété la décision ministérielle du 11 juin 18Z1Z1. Cette décision prohibe toute exploitation de la mine dans une zone déterminée; elle n'est point limitée quant au temps, et, dictée dans l'intérêt du chemin de fer, elle doit être réputée devoir durer autant que lui, ce qui équivaut à la perpétuité. Une telle défense enlève au droit de propriété l'un de ses attributs principaux, à savoir : le droit de jouissance et de perception des fruits, et même l'un de ses attributs essentiels, le droit de disposer. En effet, la compagnie des Combes ne pourrait maintenant

4'7

comprendre, dans la vente de sa concession, le droit d'exploiter dans la zone prohibée. Une telle défense présente donc les caractères d'une véritable expropriation. Il importe peu que le droit enlevé à la compagnie des Combes n'ait pas été transféré à la compagnie du chemin de fer, puisque la compagnie des Combes n'en subit pas moins l'éviction et que, d'ailleurs, la compagnie du chemin de fer jouit et jouira, et l'État après elle, pendant un temps indéfini, de la zone interdite, puisqu'elle sert de base et d'annexé au chemin de fer. Par arrêt du 3 mars i84i, rendu entre la compagnie de Couzon et l'ancienne compagnie du chemin de fer de Saint-Étienne à Lyon, la cour de cassation, sections réunies, a jugé qu'une prohibition d'exploiter par un arrêté préfectoral au préjudice de la société de Couzon, dans des termes et pour un objet semblables à ceux de la décision ministérielle du 11 juin 18Z1/1, constituaient une éviction du droit de propriété. Fût-il exact de dire que cette éviction n'est point entière et laisse intacte une partie du droit, il n'en resterait pas moins vrai que la compagnie des Combes est expropriée, car il suffit que le droit soit partiellement atteint pour qu'il y ait expropriation ; enlever au droit de propriété quelques-uns de ses attributs, ou le supprimer entièrement, sont deux actes qui ne diffèrent que par leurs proportions, mais sont les mêmes dans leur essence et dans leur nature. Les tribunaux ordinaires sont seuls compétents pour statuer, sinon sur le chiffre des indemnités que l'expropriation entraîne, du moins sur la question de savoir si une indemnité est due dans les cas donnés d'expropriation. Les seules actions réservées à la juridiction administrative sont celles naissant d'un pur dommage causé à la propriété privée par les travaux publics et, du reste, sans aucun mélange d'expropriation. Mal à propos, la compagnie du chemin de fer objecte que les tribunaux ordinaires sont sans juridiction et sans pouvoir pour empêcher ou restreindre l'exécution des actes administratifs ; car la compagnie des Combes n'attaque en aucune manière la décision ministérielle du 11 juin 18AA, au contraire, elle s'y est toujours soumise et déclare expressément vouloir continuer de s'y soumettre. Seulement elle réclame une indemnité à cause de l'expropriation que cette décision opère à son préjudice. L'action en indemnité, bien loin d'être une attaque même indirecte donnée à l'expropriation, en implique, au contraire, l'approbation et l'exécution virtuelle. 11 importe tout aussi peu que le chemin de fer ait été, par la