Annales des Mines (1879, série 7, volume 8, partie administrative) [Image 153]

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sur laquelle il ne faudrait pas compter en pratique, si ce premier système venait jamais à prévaloir. Il faut tout d'abord écarter une distinction à laquelle il a été donné une certaine importance. On a dit et jugé que, si les eaux ont été coupées sous un fonds dont la propriété appartenait à l'exploitant, celui-ci ne saurait être tenu comme responsable, puisqu'en tant que propriétaire du sol, il a le droit de couper les eaux du voisin, même méchamment. Mais on a fait observer que les droits du concessionnaire de la mine et du propriétaire du sol ne pouvaient se confondre, parce que ces deux propriétés sont et doivent rester distinctes (art. 19 de la loi de 1810) et, — comme l'a écrit M. Demolombe (consultation ci-après mentionnée),—«si l'exploitant a agi comme concessionnaire, c'est-à-dire en faisant des travaux d'exploitation de sa mine, il est tenu à une indemnité; s'il avait agi comme propriétaire de la surface, en dehors de l'exploitation de la mine, pour se procurer une source, alors seulement il serait inattaquable. » Cette question préjudicielle écartée, on fait valoir, à l'appui de ce premier système, une série de motifs qu'on peut grouper ainsi : i° On réclame l'application pure et simple de l'article i382 du code civil (*), comme en matière de droit commun : l'exploitant a, par son fait, produit un dommage, il est obligé de le réparer; ss° Sans se préoccuper ni rechercher si l'application dudit article est plus ou moins justifiée, suivant les cas, on soutient qu'une responsabilité d'une nature spéciale, mais d'un caractère général, résulte pour l'exploitant de la loi de 1810, — responsabilité en vertu de laquelle il est tenu à réparer tout dommage, quel qu'il soit, provenant de son fait, même en l'absence de toute faute ou d'une simple négligence. Si le texte de la loi de 1810 est muet à cet égard, on trouve que le rapprochement des articles 6, 11, i5, 18, l\o et ùU, et leur interprétation la plus rationnelle suffisent pour établir cette responsabilité, dans tous les cas où il y a un dommage produit, quel qu'il soit; 5° Enfin on veut que la responsabilité des articles i382 et i383 (**) s'applique à l'exploitant en raison des obligations spéciales que lui crée la législation minérale; mais, placée entre les deux premières, cette théorie serait, dans bien des cas, difficile à distinguer soit de l'une soit de l'autre. (*)'« Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » (") « Chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non-seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence. »

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JURISPRUDENCE.

JURISPRUDENCE.

Si l'application de l'article 1382, comme en matière de droit commun, a été reconnue par la jurisprudence pour le cas de la superposition, on conteste la valeur des motifs juridiques que l'on fait valoir pour l'appliquer en cas de voisinage (*). AU reste, si pareille théorie a été mentionnée par quelques auteurs, aucun tribunal ne l'a jamais adoptée. La théorie de la responsabilité spéciale du concessionnaire, dans tous les cas, découlant uniquement de la loi des mines, est celle qui a réuni jusqu'ici la presque unanimité des auteurs. C'est celle qu'ont soutenue MM. Demolombe et Carol, professeurs à Caen, dans leur consultation sur l'affaire Villesèche contre C" des forges et fonderies d'Alais (1873); c'est celle qu'a exposée M. Paradan, conseiller à la cour de Nimes [Revue critique de législation et jurisprudence, t. Il, 1875, p. 32i); celle dont M. Labbé a fait l'objet d'une note substantielle, déjà citée plus haut; c'est celle enfin qu'a développée M. le conseiller Rau, dans'son rapport à la chambre des requêtes de la cour de cassation sur l'affaire Maurin contre C'c des forges et fonderies d'Alais (Sirey, 1872,1, p. 356). Les tribunaux de Belgique ont été les premiers à faire passer ce système dans la jurisprudence; après avoir été repoussé, dès î&UU, par le tribunal de Liège, puis par la cour de Liège, par arrêt du 10 janvier 1867 (**), ce système fut adopté par un arrêt de la cour de Bruxelles, du 5o juin 1870, qui a été confirmé, sur les conclusions conformes du procureur général, par l'important arrêt de la cour de cassation belge du 3o mai 1872 (***). Cet arrêt, dans sa première partie, résume assez bien tous les motifs qui ont été invoqués à l'appui de ce système. Sans vouloir diminaer l'importance doctrinale qui a été donnée à ce document, on peut cependant faire remarquer qu'il s'agissait d'une espèce non ordinaire, en France du moins; l'arrêté royal du 5 juillet 18Z19, qui avait institué la concession, portait, en effet, cette clause spéciale : « Les concessionnaires disposeront et con(*) Pour simplifier le langage, nous entendons par la superposition, le cas où les travaux qui ont provoqué-le tarissement sont arrivés dans le tréfonds qui se trouve à l'aplomb du fonds d'où dépendait la source; par le voisinage, au contraire, le cas où les travaux sont restés plus ou moins éloignés de ce tréfonds. Il doit également être entendu que, sauf indication contraire, les travaux de l'exploitant désignent spécialement ceux qui ont précisément et directement amené le tarissement de la source : des travaux peuvent être arrivés sous le fonds endommagé, sans être ceux qui ont provoqué le tarissement de la source. (**) Suprà, p. 289. (*") Suprà, p. 292. DÉCRETS,

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