Annales des Mines (1877, série 7, volume 6, partie administrative) [Image 213]

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LÉGISLATION INDUSTRIELLE. LÉGISLATION INDUSTRIELLE.

pas s'émouvoir des manifestations, des espèces de menaces de cette puissance. Seulement, je le répète, si elle réussissait à faire disparaître de notre législation douanière le régime des importations temporaires, elle aurait la grande satisfaction de dominer le marché russe. Son industrie trouverait là une sortie pour ses produits, et elle n'en a pour ainsi dire pas d'autre. M. DE FREYCINET.—Je raisonnerai aupointde vue des fontes spécialement; nous aurons ensuite occasion de revenir aux fers, quiî forment une industrie différente. La question des fontes a été examinée par le Comité consultatif des arts et manufactures, et c'est à son sujet que mon nom a été prononcé par M. Reverchon. J'aborde donc cette question. Je crois qu'il faut mettre en relief le point précis dont se plaignent les maîtres de forges, quant aux fontes. Personne ici ne s'est inscrit contre le principe des admissions temporaires : à l'unanimité, l'on a admis qu'on pourrait introduire en franchise temporaire. Les maîtres de forges ne s'élèvent donc pas contre ce principe. Le fond de leurs réclamations ne porte pas non plus sur le trafic même des acquits. La preuve en est qu'ils laissent à peu près de côté la fonte de moulage qui, cependant, donne lieu à des trafics d'acquits. Le véritable objet de la plainte des maîtres de forges, c'est que le trafic s'exerce dans de telles conditions que le prix des acquits tombe au-dessous du droit de protection. Ce qui préjudicie aux maîtres de forges, ce n'est pas, dis-je, la faculté de vendre les acquits, c'est le fait que les conditions de l'industrie sont telles, que le prix des acquits s'abaisse sensiblement au-dessous du droit protecteur. Si ce prix atteignait pour les fontes d'affinage le droit de 20 fr., les maîtres de forges seraient dans les mêmes conditions que les producteurs actuels de fonte de moulage, qui, eux, ne se plaignent pas. Vous voyez qu'il faut examiner les industries isolément. Pour la fonte d'affinage, le prix des acquits a considérablement baissé au-dessous du droit protecteur. A l'époque où j'ai fait le rapport dont a parlé M. Reverchon, le prix des acquits était à peu près de 5 francs. 11 en résultait pour les forges une situation tout à faitparticulière, absolument contraire aux principes économiques. Ainsi les forges, au lieu d'un droit protecteur de 20 francs, sont en présence de 5 francs. La protection qu'a voulue, non pas le législateur de i856, mais celui qui a établi les droits de douane, cette protection n'existe pour ainsi dire plus, ou du moins elle est sujette à des variations singulières; car elle est, suivant les cir-

[distances, de 20, i5, 10 et même 5 francs. Or, il vaut mieux pour industrie, — personne, je crois, ne me démentira,— une protecion même faible, pourvu qu'elle se maintienne, qu'une protecion soumise à des soubresauts considérables etparfoisinattendus. Le prix des acquits a varié dans des proportions énormes. Il y a deux ans, c'était 5 francs par tonne; il y a sept ou huit mois, c'éait ia, i5 francs; aujourd'hui, c'est 16 francs! Peut-être dans six ois sera-t-il retombé à 2f,5o, comme on l'a vu en 1874. Cette variabilité est extrêmement fâcheuse pour les industriels, qui se trouvent, dès lors, en présence d'une sorte d'échelle mobile ien singulière, puisqu'elle est soumise à des variations qui échappentcomplétement à l'autorité publique.Par suitedeconditionsfaites par quelques grandes maisons, l'industrie voit son droit protecteur subitement élevé ou diminué. Et, de plus, l'échelle mobile dont je parle fonctionne à l'inverse de l'échelle mobile ordinaire, qui permet d'abaisser les droits afin de ramener l'abondance. Au contraire, quand le prix de la fonte tend à baisser et que l'abondance existe déjà, le prix des acquits diminue, précisément parce qu'il y a beaucoup de cette marchandise sur les marchés français. Ainsi cette espèce d'échelle mobile agit d'une manière anormale, à l'inverse de l'échelle mobile ordinaire. En ce qui concerne les exportateurs, ce mécanisme opère aussi dans des conditions extrêmement irrégulières : il ne rend pas, dans une foule de cas, 10 p. 100 de l'effet qu'il devait produire. Ce mot, emprunté à la mécanique, trouve ici son application. Avec les admissions temporaires, le prix des acquits, dans l'industrie de la fonte d'affinage, était tombé à 3 francs, il y a deux ans. Pour faire obtenir aux exportateurs ce bénéfice, le trésor abandonnait 20 francs, comme droit d'entrée sur la fonte d'affinage. D'autre part, le maître de forges perdait 17 francs sur 20 francs, sur son droit de protection : au lieu de 20 francs, il n'avait que 5 francs. Voilà donc un grand attirail : 20 francs pour le trésor, 17 francs pour les forges! Et ce grand attirail de 57 francs aboutit à quoi? A un avantage de 3 francs pour les exportateurs! Ce sont là des chiffres absolument vrais, incontestables; seulement, ils peuvent varier d'une époque à une autre. Nous avons entendu, il y a quelques années, au Comité des arts et manufactures, des dépositions nombreuses. Il en est résulté que, pendant deux ans, le prix normal a été de 5 francs. Les personnes qui ont déposé n'ont pas commis une erreur du simple au quintuple. J'ajoute que les chiffres n'ont pas été contestés par les exportateurs à ce moment-là.