Annales des Mines (1876, série 7, volume 5, partie administrative) [Image 94]

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JURISPRUDENCE.

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JURISPRUDENCE.

Si les articles 9 et 11 de ce règlement ouvrent un droit à des pensions, sur les fonds de cette caisse, au profit des veuves et des enfants d'ouvriers tués dans les travaux des mines d'Aniche, l'article 11 de ce même règlement autorise le conseil d'administration de la caisse à supprimer ou réduire ces pensions, pour motifs graves, alors même qu'elles seraient acquises et fixées. Cette autorisation, ainsi donnée à ce conseil, renferme implicitement celle de refuser de liquider lesdites pensions, si les motifs graves qui en permettraient la suppression préexistent à leur liquidation. Les expressions motifs graves, employées par le règlement dont il s'agit en son article

12, sont générales. Rien, dans

les dispositions qui les précèdent ou les suivent, n'en vient limiter le sens.

chez ceux qu'elle assiste, des besoins. Elle ne doit son assistance qu'autant que ces besoins existent. Elle peut notamment la refuser, si ceux qui y prétendent droit ont obtenu, d'autre part, des ressources qui leur permettent de ne souffrir ni perte, ni gêne pécuniaire, de l'événement dont ils auraient été victimes. Dans l'espèce, le jugement du 4 juin 1870 a créé, pour la demanderesse et pour ses enfants, ces ressources. Il les a créées complètes, accordant à ceux-ci la compensation intégrale et absolue du préjudice par eux souffert par la mort de leur mari et père. II. Arrêt rendu, le

(EXTRAIT.)

Tout motif quelconque peut donc servir de base à l'application dudit article 12, pourvu que ce motif ait, par rapport à la matière qui fait l'objet du règlement, le caractère d'un motif grave. Nonobstant la disposition dernière de cet article 12, l'appréciation de ce caractère peut, par les intéressés, être déférée aux tribunaux, le conseil

d'administration de la caisse de secours

excédant son droit en prétendant se constituer seul juge en sa propre cause. En fait, par délibération du

, ce conseil a décidé que la de-

manderesse et les mineurs Quiquempois, bien qu'étant, la première, veuve, et les seconds, enfants en bas âge, d'un ouvrier tué par accident dans les travaux d'Aniche, n'étaient fondés à obtenir de la caisse de secours ni pension ni secours. Il a basé cette décision sur ce motif que ladite veuve, — s'étant adressée à justice pour réclamer à la compagnie d'Aniche, responsable de la mort de son mari, une indemnité pécuniaire,—avait, par jugement du tribunal de Douai, du k juin 1870, passé en force de chose jugée, obtenu pour elle une pension annuelle et viagère de 600 francs, etpour chacun de ses enfants uncapital de 2.000 francs. Ce motif peut être considéré comme grave, dans le sens de l'article 12 du règlement. La caisse de secours d'Aniche, en effet, n'est pas une caisse d'assurance contre les accidents des travaux de mines. Les portions de salaire que les ouvriers lui abandonnent n'ont pas davantage le caractère de primes d'assurance. Son institution est toute philanthropique. Elle a pour but unique le soulagement des misères pouvant résulter, pour l'ouvrier ou sa famille, d'une maladie contractée ou d'un accident éprouvé au service de la compagnie. Elle suppose, •

novembre 1871, par la cour d'appel de Douai,

dans l'affaire qui est l'objet du jugement précédent.

Si les administrateurs de caisses de secours pour les ouvriers sont valablement investis du soin d'assurer l'exécution de leur règlement, ils ne peuvent cependant,

comptant eux-mêmes parmi

les intéressés, être tout à la fois juges et parties. Leurs décisions, lorsqu'elles touchent à un intérêt civil ou moral, deviennent susceptibles de révision par les tribunaux, chargés de vérifier la juste application des statuts. Malgré la généralité et l'étendue des pouvoirs conférés habituellement à ces administrateurs, le règlement portât-il (comme celui d'Aniche, article 12) que « ils seront seuls juges », on ne saurait trouver, dans ces dispositions, l'institution régulière et légale d'une sorte de tribunal arbitral dispensé de tout contrôle. En effet, le pouvoir de juger est d'ordre public.

Il en est de même de la

compétence des tribunaux et il ne peut y être dérogé que sous les conditions prescrites par les lois. L'article 1006 du Code de procédure civile exigeant, à peine de nullité, que le compromis désigne l'objet du litige, toute convention tendant à compromettre vaguement sur des contestations futures se trouve sans force et sans portée. Les sociétés de secours sont tenues de se soumettre à ces prescriptions et n'ont pas plus qued'autres, tant qu'une loi ne les y aura pas autorisées, la faculté d'attribuer à de simples citoyens une juridiction disciplinaire, qui ne saurait être d'institution privée. Les caisses de secours, alimentées par des cotisations, constituent des sociétés d'une nature particulière, où chaque partie est en même temps créancière et débitrice, et qui établissent entre leurs membres participants un contrat synallagmatique, qui les oblige réciproquement à exécuter les engagements contractés par l'adhésion aux statuts.