Annales des Mines (1870, série 6, volume 9, partie administrative) [Image 143]

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pays. Qui sait si ces caisses, constituées sur des bases solides et connues, ne pourraient pas, un jour, devenir des succursales des caisses d'épargne, où le bon ouvrier laisserait le surplus de son salaire pour en retirer un intérêt? »

Caisses d'épargne. — Les caisses d'épargne, dont nous sommes amenés à parler, sont dues à l'initiative soit de l'État, soit des compagnies. Des succursales de la caisse de l'État existent en grand nombre au sein des populations ouvrières, non-seulement dans les villes industrielles comme Mons et Liège, mais en plein Borinage,

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DANS LES MINES ET USINES DE BELGIQUE.

ENQUÊTE OFFICIELLE SUR LA. CONDITION DES OUVRIERS

quêtes par deux directeurs d'exploitation, l'un pour l'institution d'un privilège en faveur des caisses de secours et des caisses d'épargne, dont les fonds échapperaient ainsi aux risques de faillite des établissements dont elles dépendent; l'autre pour l'établissement, dans les campagnes, de sous-comptoirs de la caisse d'épargne de l'État, qui seraient mieux à portée de l'ouvrier, par exemple, aux chefs-lieux de canton, chez les receveurs des contributions.

à Élonge, à Dour ou au siège même des exploitations, comme au Blejberg. Plusieurs sociétés, celles de la Vieille-Montagne, des

XII. — INSTRUCTION ET ÉTAT MORAL.

Six-Bonniers, d'Ougrée (province de Liège), ont fondé des caisses d'épargne particulières, qui reçoivent les sommes les plus modestes et offrent à l'ouvrier, outre un intérêt élevé (5 p. ioo), de grandes facilités de retrait. D'autres compagnies, celles de Grivegnée, du Val Saint-Lambert, se chargent de procurer elles-mêmes aux ouvriers des livrets de la caisse de l'État, de faire les versements et remboursements qu'ils désirent, en leur évitant les déplacements et les frais. Enfin plusieurs associations ont été formées parmi les ouvriers, grâce aux efforts d'hommes dévoués, pour l'achat d'obligations à prime, sur les fonds réunis au moyen de versements périodiques peu élevés. « Ces associations,—dit l'ingénieur en chef de Liège,—constituent l'un des meilleurs moyens de propager l'épargne, en ce qu'elles permettent à l'ouvrier le placement de petites sommes, dont il peut se priver sans se gêner, et l'amènent à contracter l'habitude et le goût de l'économie, en l'obligeant à continuer ses versements, sous peine de perdre ceux qu'il a déjà faits. L'une de ces associations s'est fondée, il y a un an, entre les ouvriers du Val SaintLambert, et les souscriptions sont déjà arrivées au chiffre considérable de i.ooo par mois. « Cet établissement du Val Saint-Lambert est un exemple à citer pour l'importance du chiffre qu'y a atteint l'épargne. D'après les déclarations de la dis rection, sur une population de i.44 ouvriers comprenant 820 hommes adultes, on en compte plus de 90 qui sont propriétaires d'immeubles, 57 qui ont en dépôt à la caisse d'épargne une somme globale de 22.573',5o, et l'on sait qu'entre eux tous, ils possèdent des litres de la compagnie et de la Société générale, sous le patronage do laquelle s'est fondé l'établissement, pour une valeur de plus de 106.000 francs. « Mais l'ouvrier qui économise est l'exception ; généralement, il vit dans la plus grande insouciance de l'avenir, dépensant tout ce qu'il gagne et limitant son travail au salaire qui lui est nécessaire pour satisfaire aux besoins de sa famille et à ses dépenses de cabaret. »

Mentionnons en terminant les vœux émis dans les cahiers d'en-

« L'instruction, on ne peut assez le répéter,— avec l'ingénieur en chef de Liège,—sera toujours le grand remède aux maux et aux vices de l'ouvrier. Sans elle et quoi qu'on fasse pour propager les institutions utiles destinées à lui faciliter le bien-être, l'ouvrier sera toujours l'homme que nous connaissons aujourd'hui, obéissant à ses instincts et à ses passions, dépourvu de discernement et de prévoyance. C'est donc à répandre l'instruction que doivent surtout tendre les efforts des gouvernants, et c'est en cela que leur action peut réellement s'exercer d'une manière efficace. Jusqu'à présent, on s'est refusé chez nous à adopter le principe de l'instruction obligatoire; on s'effraye de porter atteinte à la liberté individuelle, en édictant des pénalités contre les parents qui négligeraient d'envoyer leurs enfants à l'école. Je conçois ces scrupules, quoique, la jouissance des droits individuels étant, en principe, subordonnée aux exigences de l'intérêt général, il ne faille pas exagérer le respect de ces droits, au point de laisser l'État désarmé en face de l'ignorance, du moment que l'on peut voir, dans celle-ci, un danger pour la société. Mais, sans aller jusqu'à la répression, ne pourrait-on pas, par des mesures moins rigoureuses, qui no feraient que rompre l'égalité des droits des citoyens au préjudice de l'ignorant, faire naître pour chacun un intérêt puissant à s'instruire? Ne pourrait-on pas, par exemple, établir en règle que les citoyens ne possédant pas un degré déterminé d'instruction seront appelés, avant tous autres, àîormer le contingent de milice? On objectera peut-être que ce serait rendre les enfants responsables de l'incurie de leurs parents; mais, en réalité, si les moyens d'instruction étaient assez répandus pour être à la portée de tous, l'homme qui, arrivé à l'âge de la conscription, serait resté ignorant, ne serait-il pas lui-même assez coupable pour qu'il n'y eût pas injustice à l'atteindre? « Comme je viens de le dire, il faudrait naturellement, avant d'adopter des mesures de l'espèce, que les écoles fussent assez nombreuses et les cours organisés de telle façon que chacun, grand ou petit, pût facilement acquérir le degré d'instruction qui serait prescrit. Il a déjà été fait beaucoup sous co rapport; nous possédons généralement, dans toutes nos communes, de bonnes écoles, uù l'enfant de l'ouvrier est admis gratuitement; mais cela ne suffit pas; à côté de l'école primaire, il faudrait des cours d'adultes, quicomprenDÉCRETS,,

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