Annales des Mines (1914, série 11, volume 5) [Image 68]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

128

LES GISEMENTS DE CHARBON DU SPITSBERG

Cette topographie est due, d'après M. de Geer, à un soulèvement d'ensemble des régions aujourd'hui continentales. D'ailleurs la présence, tout le long du Groenland, I en Islande et aux Féroé de coulées tertiaires, l'existence de volcans quaternaires à Jean-Mayen et en Islande, la découverte au Spitsberg de basaltes crétacés paraissent indiquer, que les phénomènes éruptifs ont eu pour théâtre des zones de l'écorce terrestre déjà fracturées par les grands mouvements verticaux. Nous avons ainsi la vision d'un archipel qui, par les grandes lignes de sa structure, se rattache aux continents voisins, mais qui en diffère profondément par ses conditions climatiques. Grâce au Gulf-Stream, qui vient lécher sa côte occidentale, le Spitsberg est, de toutes les terres polaires, celle où la température est la plus douce ; le thermomètre atteint rarement en hiver le point de congélation du mercure, et il est fréquent, en été, de trouver dans l'océan glacial, par 80° de latitude, une température supérieure à -+- 5°. L'archipel du Spitsberg, situé entre le 76° 5 et le 80° 5 de latitude nord, comprend trois grandes îles ; le Spitsbergoccidental, la terre des États ou île d'Edge, la terre du Nord-Est (Pl. III). La première, profondément entamée par des fjords, est la plus vaste et la mieux connue ; Tlsfjord, qui, avec ses ramifications, marque sur elle son emprise à la manière; d'une main gigantesque, a été souvent visité par les missions scientifiques et offre de bons ports, libres de glaces pendant plus de deux mois. La terre du Nord-Est paraît au contraire constituer une véritable inlandsis insensible à l'action déj à trop lointaine du Gulf-Stream et n'a été traversée qu'en 1873 par Nordenskiold et Palander ; quant à la terre des États, elle a été jusqu'ici très peu étudiée.

LES GISEMENTS DE CHARBON DU SPITSBERG

129

Le Spitsberg, jusqu'à ces dernières années, était absolument inhabité, et nulle puissance ne songeait à annexer un territoire dont les richesses naturelles paraissaient très médiocres et qui n'était en somme qu 'un grand laboratoire ouvert aux savants de tous pays et auquel les recherches scientifiques donnaient seules quelque intérêt. Brusquement l'on apprend en 1905 qu'une compagnie anglo-norvégienne vient de se fonder pour l'exploitation de la houille et qu'elle a déjà effectué quelques travaux au cours de l'été. Peu après une compagnie américano-norvégienne met en train une entreprise qui semble prospère, et dès lors on voit une armée de prospecteurs se ruer vers ces régions quasi délaissées dont la diplomatie doit bientôt se préoccuper de régler le sort. La Suède, la Norvège et la Russie avaient toutes des titres sérieux à la possession du Spitsberg. Ce sont en effet les géologues suédois qui découvrirent ses richesses minérales, mais les Norvégiens osèrent les premiers en tenter l'exploitation et, en 1911, établirent à Green Harbour un grand poste de télégraphie sans fil. Quant aux Russes, qui avaient autrefois peuplé l'archipel de nombreuses colonies, ils n'étaient pas disposés à s'effacer devant les peuples Scandinaves. De très graves conflits ouvriers qui avaient éclaté dans l'hiver 1907 avaient montré l'urgence d'une nouvelle législation, et cependant la convention entre les trois États ne fut signée qu'en 1912 :- le Spitsberg doit être désormais administré par une commission composée de représentants des trois nations, mais il est fort à craindre que le traité ne reste lettre morte (*). (*) M. Georges Parmentier, dans une note qu'il ajoute à l'ouvrage récent de Otto Nordenskiold, le Monde polaire, résume ainsi le texte de la convention : La police locale sera aux mains d'un commissaire norvégien. Le ju-