Annales des Mines (1912, série 11, volume 2) [Image 75]

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DISCOURS PRONONCÉS AUX FUNÉRAILLES

devoir ; il a donné à la Faculté son dernier effort scientifique. Tel fut l'homme que nous pleurons aujourd'hui. Sa vie, partagée entre sa famille et le travail scientifique, fut embellie et facilitée par une compagne qui sut entourer son mari de l'atmosphère familiale, profondément unie et calme, qui seule permet les grands travaux delà pensée. Poincaré était, comme notre maître Hermite, d'une famille lorraine ; il avait vu, tout jeune, Nancy, sa ville natale, envahie, puis sa province mutilée ; il avait, suivant l'émouvante image de Jules Ferry, entendu monter derrière la crête bleue des Vosges les lamentations des vaincus. Il travaillait pour la vérité, pour la science, mais aussi pour la patrie. Puisse son noble exemple inspirer la jeunesse de France! Avec le suprême hommage de notre Faculté, je suis chargé de déposer sur cette tombe les expressions de douleur et de deuil de la Faculté des Sciences de l'Université de Nancy, et de la Société mathématique de France dont Poincaré fut deux fois président.

DISCOURS DE M. BIGOURDAN Membre de l'Institut,

AU NOM DU

BUREAU DES LONGITUDES

Messieurs, La France pleure un de ses enfants les plus illustres, un de ceux qui ont fait rayonner au loin sa gloire et son génie, et la Science est en deuil de la mort d'Henri Poincaré.

DE M. HENRI POINCARÉ

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Permettez-moi de venir exprimer, dans ce concert d'unanimes regrets, ceux que ressentent ses confrères, ■ses collègues, ses admirateurs du Bureau des longitudes, des Conseils des observatoires, de l'Observatoire de Paris, de la Société astronomique de France, de la rédaction du Bulletin astronomique, enfin de tous les astronomes français, frappés encore au cœur d'une manière si imprévue. Je ne rappellerai pas, après les voix si autorisées que vous venez d'entendre, ce qu'a été Henri Poincaré comme écrivain et philosophe, comme physicien, astronome et mathématicien incomparable. D'ailleurs, comment louer si rapidement et comme il le mérite celui dont la puissante intelligence a embrassé tant de sciences et remué tant d'idées ? Ce pieux devoir sera certainement rempli par les innombrables académies et sociétés savantes des deux mondes qui l'avaient appelé à siéger dans leur sein, et qui lui avaient tressé des couronnes. Mais je voudrais montrer ce que fut l'homme excellent que nous venons de perdre, et qu'ont aimé tous ceux qui l'ont connu. Il affectionnait le Bureau des longitudes qu'il présidait, il y a peu de temps encore, et où il retrouvait le souvenir d'aînés dignes de lui. C'est là surtout qu'on l'aimait, parce qu'on l'approchait davantage; dans ces réunions, peu nombreuses et sans apprêt, nous jouissions de ses précieux avis, qu'il donnait toujours avec la simplicité qui ne l'abandonnait jamais. Son autorité y était prépondérante, et en son absence on ne prenait jamais une décision importante. Hélas! nous n'y entendrons plus sa voix désormais éteinte. Il était président du Conseil des observatoires, et, il y a quinze jours à peine, il dirigeait sa dernière réunion. Là son autorité n'était pas moins grande, et, sans jamais chercher à peser sur l'opinion de ses collègues, au besoin